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Auteurs Messages

Salus
Membre
Messages : 6952


Posté à 16h29 le 11 Feb 17



Glose N° 16


Remontons la cordée
Littéraire des sons :
La fréquence absorbée
De l'art est d'or abscons !


Énième épisode des « BABILLAGES LITTERO-POETIQUES, ET AUTRES HISTOIRES DE VERS… »


« Les plus désespérés sont les chants les plus beaux 
 Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots. » 
…C’est de Musset, dont nous parlions précédemment, lequel était pote avec ARVERS (Félix), dont la postérité n’a retenu qu’un sonnet, dit « LE SONNET D’ARVERS », Que je vous livre, et que Gainsbourg a interprété avec la maestria qui lui fut coutumière…
Selon moi, la postérité ne s’est pas trompée, car seul ce génial sonnet, dans l’œuvre de ce poète classique et ennuyeux, quoique élégiaque et romantique, vaut que l’on s’y arrête :


Mon âme a son secret, ma vie a son mystère,
Un amour éternel en un moment conçu :
Le mal est sans espoir, aussi j’ai dû le taire,
Et celle qui l’a fait n’en a jamais rien su.

Hélas ! j’aurai passé près d’elle inaperçu,
Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire.
Et j’aurai jusqu’au bout fait mon temps sur la terre,
N’osant rien demander et n’ayant rien reçu.

Pour elle, quoique Dieu l’ait faite douce et tendre,
Elle suit son chemin, distraite et sans entendre
Ce murmure d’amour élevé sur ses pas.

À l’austère devoir, pieusement fidèle,
Elle dira, lisant ces vers tout remplis d’elle
"Quelle est donc cette femme ?" et ne comprendra pas.


Ouaip ! C’est la classe !
Notons qu’il y a (au moins) deux lectures du texte, la plus évidente étant celle du déchirement de l’amoureux ignoré, mais on peut aussi y voir quelque méchante glose (!) destinée à une pimbêche confite en dévotion, et engluée dans sa morne fidélité ; en ce sens, observez – qui se peut fortuit, et j’ai l’esprit mal tourné – observez l’acrostiche du premier quatrain !
Enfin, nous remarquerons, dans l’avant dernier vers, une utilisation, peut-être novatrice, du fameux trimètre hugolien. (Arvers, s’il est précurseur, n’est pas plus qu’Hugo l’inventeur de ce mètre qui peut, comme c’est ici le cas, exister tout en respectant l’alexandrin classique)
Quand à son recueil de poésie « mes heures perdues » qui jouit d’une introduction de Banville, il est illisible !

Arvers est mort en 1850, paix à ses rimes…

Plus immortel, car toujours excellent, possédant à son arc de multiples cordes, adulé par Baudelaire, qui lui dédicacera « Les fleurs du mal » :
Au poète impeccable
au parfait magicien ès Lettres françaises
à mon très cher et très vénéré
maître et ami
Théophile Gautier
avec les sentiments
de la plus profonde humilité
je dédie
ces fleurs maladives


Théophile Gautier, 1811 / 1872 marque la poésie d’une patte particulière ; la forme semble lui importer plus que le fond, et ses sujets paraissent prétextes à sculpter une musique d’une précision de joaillier ; le seul titre de son célèbre recueil « Emaux et camées », entièrement composé en octosyllabes, qui le propulsera au rang de leader d’une nouvelle école poétique, en dit long sur le vouloir et les capacités de ce poète, qui semble écrire toujours simplement, mais dont les vers parfaits d’évocations et de musique pénètrent l’esprit, l’abreuvent, l’inondent d’un timbre unique, immédiatement reconnaissable, et qui ne lasse pas…
Je vous laisse sur quelques vers de ce grand maître chanteur :


Carmen


Carmen est maigre - un trait de bistre
Cerne son œil de gitana ;
Ses cheveux sont d'un noir sinistre ;
Sa peau, le diable la tanna.

Les femmes disent qu'elle est laide,
Mais tous les hommes en sont fous ;
Et l'archevêque de Tolède
Chante la messe à ses genoux ;

Car sur sa nuque d'ambre fauve
Se tord un énorme chignon
Qui, dénoué, fait dans l'alcôve
Une mante à son corps mignon,

Et, parmi sa pâleur, éclate
Une bouche aux rires vainqueurs,
Piment rouge, fleur écarlate,
Qui prend sa pourpre au sang des cœurs.

Ainsi faite, la moricaude
Bat les plus altières beautés,
Et de ses yeux la lueur chaude
Rend la flamme aux satiétés.

Elle a dans sa laideur piquante
Un grain de sel de cette mer
D'où jaillit nue et provocante,
L'âcre Vénus du gouffre amer.



Oxalys
Membre
Messages : 3226


Posté à 11h51 le 13 Feb 17



Simplement pour dire que je suis toujours, sagement intallée au dernier rang, attentive aux leçons, baba d'admiration
Salut


Salus
Membre
Messages : 6952


Posté à 22h46 le 13 Feb 17


Excellente initiative, merci !
(J'ai un mal fou à faire ce genre de manip !)

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