Le viol de Lucrèce
1
The rape of Lucrece
Lucrèce, violée par Tarquin, se suicide. Lucretius, son père, et Colatin, son époux, la pleurent.
(extrait : vers 1751 à 1771).
« Daughter, dear daughter, » old Lucretius cries,
That life that was mine with thou hast here deprived.
If in the child the father's image lies,
Where shall live now Lucrece is unlived ?
Thou wast not to this end from me derived.
If children predecease progenitors,
We are their offspring, and they none of ours.
Poor broken glass, I oftten did behold
In thy sweet semblance my old age new born ;
But now that fair fresh mirror, dim and old,
Shows me a bare-bon'd death by time outworn ;
O from my cheeks my image thou hast torn,
And shiver'd all the beauty of my glass,
That I no more can see what once I was !
« O time, cease thou thy course and last no longer,
If they surcease to be that should survive.
Shoukd rotten death make conquest of the stronger,
And leave the falt'ring feeble soul alive ?
The old bees die, the young possess their hive.
Then live, sweet Lucrece, live again, and see
Thy father die, and not thy thee. »
$$$$$$$$$$
Le viol de Lucrèce
« Ma fille, ma chère fille », crie le vieux Lucretius,
« cette vie que tu viens de détruire m'appartenait.
Si l'image du père est dans son enfant,
où vivrai-je maintenant que Lucrèce ne vit plus ?
Ce n'est pas pour finir ainsi que tu étais née de moi.
S'il faut que les enfants meurent avant leurs parents,
c'est nous qui sommes leurs rejetons, et non eux les nôtres.
Pauvre miroir brisé, j'ai souvent cherché
dans ton doux reflet une nouvelle jeunesse de mon grand âge.
Mais ce beau miroir neuf, sombre maintenant et ruiné,
ne me montre plus qu'un squelette que le temps a délabré.
Oh, tu as arraché mon visage de tes joues,
et brisé la beauté de mon miroir en tant d'éclats
que je ne peux plus voir ce que je fus autrefois.
O temps, suspends ton cours, ne dure pas davantage,
si ceux qui doivent nous survivre disparaissent.
Faut-il que la mort putride s'empare des plus forts
et laisse vivre les âmes faibles et chancelantes ?
Les vieilles abeilles meurent, et les jeunes prennent possession de la ruche.
Vis donc, ma douce Lucrèce, vis de nouveau et vois
ton père mourir, plutôt que de mourir, toi, sous ses yeux. »
Lucrèce, violée par Tarquin, se suicide. Lucretius, son père, et Colatin, son époux, la pleurent.
(extrait : vers 1751 à 1771).
« Daughter, dear daughter, » old Lucretius cries,
That life that was mine with thou hast here deprived.
If in the child the father's image lies,
Where shall live now Lucrece is unlived ?
Thou wast not to this end from me derived.
If children predecease progenitors,
We are their offspring, and they none of ours.
Poor broken glass, I oftten did behold
In thy sweet semblance my old age new born ;
But now that fair fresh mirror, dim and old,
Shows me a bare-bon'd death by time outworn ;
O from my cheeks my image thou hast torn,
And shiver'd all the beauty of my glass,
That I no more can see what once I was !
« O time, cease thou thy course and last no longer,
If they surcease to be that should survive.
Shoukd rotten death make conquest of the stronger,
And leave the falt'ring feeble soul alive ?
The old bees die, the young possess their hive.
Then live, sweet Lucrece, live again, and see
Thy father die, and not thy thee. »
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Le viol de Lucrèce
« Ma fille, ma chère fille », crie le vieux Lucretius,
« cette vie que tu viens de détruire m'appartenait.
Si l'image du père est dans son enfant,
où vivrai-je maintenant que Lucrèce ne vit plus ?
Ce n'est pas pour finir ainsi que tu étais née de moi.
S'il faut que les enfants meurent avant leurs parents,
c'est nous qui sommes leurs rejetons, et non eux les nôtres.
Pauvre miroir brisé, j'ai souvent cherché
dans ton doux reflet une nouvelle jeunesse de mon grand âge.
Mais ce beau miroir neuf, sombre maintenant et ruiné,
ne me montre plus qu'un squelette que le temps a délabré.
Oh, tu as arraché mon visage de tes joues,
et brisé la beauté de mon miroir en tant d'éclats
que je ne peux plus voir ce que je fus autrefois.
O temps, suspends ton cours, ne dure pas davantage,
si ceux qui doivent nous survivre disparaissent.
Faut-il que la mort putride s'empare des plus forts
et laisse vivre les âmes faibles et chancelantes ?
Les vieilles abeilles meurent, et les jeunes prennent possession de la ruche.
Vis donc, ma douce Lucrèce, vis de nouveau et vois
ton père mourir, plutôt que de mourir, toi, sous ses yeux. »
Traduction : Yves Bonnefoy
Le club français du Livre :
- Textes anglais : © Cambridge University Press
- Texte français : © Formes et reflets (1961)
Le club français du Livre :
- Textes anglais : © Cambridge University Press
- Texte français : © Formes et reflets (1961)
