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Un jour un homme

Un vieillard excédé
que par trois fois une dextre
ait malmené son huis
piaffant de savoir qui
venait troubler sa sieste
en fut dûment instruit:
-"J'ai les mille et un noms
dont la tombe se nourrit"
perçut-il dans un râle
-"Je suis la Parque et l'Ombre
la Faucheuse ou l'Ankou
ou encore la Camarde
et chacune par ma voix
t'invite à la rejoindre"
-"C'est me faire trop d'honneurs"
s'entendit-il répondre
(non sans avoir d'abord
étouffé un juron)
en plaidant toutefois
qu'un sursis pour choisir
à quelle mort se vouer
serait de bon aloi
-"Es-tu donc un jean-foutre?"
lanca t'elle puis narquoise
-"Regarde toi vieil homme
la vie te fait faux bond"
pour conclure pragmatique
-"Alors ouvre cette porte
les autres s'impatientent"
L'aubaine était trop belle
et le vieux claironna
qu'elle aille s'occuper d'eux
que lui pouvait attendre
que rien ne le pressait
en mouchardant tous ceux
à même de la repaître
Et tandis que vexée
blackboulée et rageuse
elle exhortait l'enfer
à écharper le bougre
le vieillard tenaillé
par sa sieste avortée
fleurit l'imprécation
d'une bordée obscène
qui aurait fait rougir
le pavé du faubourg
La mort interloquée
par cette ultime jacquerie
ne sachant plus dès lors
vers quel saint se tourner
en renia son office
jusqu'a glaner ailleurs
des barbons mieux élevés
tout en laissant flotter
menaces et châtiments
au droit fil de ses os
et quand la mort partie
le vieil homme altéré
par cette joute verbale
retrouva attablés
les fantômes du passé
leurs ahans s'égrenant
dans un geste déplacé
narguaient d'un bras d'honneur
tous les calendriers.

© Poème posté le 23/04/2024 par Gjaril

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