Saga du licenciement
par Llumierelive
J’ai été congédiée, remerciée,
Limogée, destituée, renvoyée
Mais j’ai pris cette mise à pied
Avec joie et sérénité !
Lorsque mon patron m’a annoncé ce licenciement
Je lui ai sauté au cou et embrassé fougueusement,
A moi la belle vie ! A moi la liberté !
J’allais enfin pouvoir m’amuser, m’exploser,
Faire tout ce que je n’avais osé faire
Et peu m’importait de plaire ou de déplaire,
Du reste la chance me souriait depuis quelques temps :
Mon mari m’avait larguée, m’avait jetée, m’avait quittée
Emportant la presque totalité du mobilier,
Du matérialisme je me sentais désenchainée,
Ainsi j’ai été balayée, sabrée, chassée,
Sacquée, vidée, virée
De cet emploi à la noix …
Je ne me suis pas inscrite à pôle emploi
Et n’ai pas échangé ma carte bleue
Contre celle du secours pop, il y avait plus malheureux !
Je n’ai pas fréquenté le secours catholique,
Ni le secours protestant, musulman ou diabolique,
Je ne suis pas allée au resto du cœur,
J’avais bien d’autres choses à faire à cette heure,
Aussi à tous azimuts j’ai dilapidé mon chéquier
Compte en rouge écarlate, sans provision, chèques du plus beau bois,
Interdite bancaire comme il se doit…
Je savais qu’à la fin de l’hiver j’allais être expulsée
Avec un tas de factures impayées,
Qu’importe…eau gaz électricité étaient déjà coupés !
Alors j’ai mis mon plan à exécution :
J’ai fait pique nique dans les supermarchés
Semant la panique dans tous les rayons
Aux yeux de tous je me suis empiffrée…
J’ouvrais les bocaux, engloutissais charcuterie, fruits,
Fromages, gâteaux, tout ce dont j’avais envie…
Je jouais aux autos tamponneuses avec mon caddy
Renversant tout, cassant tout sur mon passage,
Mais il me fallait aller plus loin encore,
Insulter les représentants de l’ordre, leur faire outrage,
Une nuit au trou ne m’était suffisance mille sabords !
Car au petit matin ils me libéraient
Et je recommençais, je récidivais…
Puis je suis passée aux administrations,
Je rentrais dans les bureaux sans invitation,
Retournant les dossiers, tapant sur les claviers,
Effaçant les programmes, les coordonnées…
J’allais dans les réunions publiques, les assemblées générales,
J’assistais au conseil municipal,
Je chantais et faisais le pitre, personne ne pouvait parler…
J’ai eu la bonne idée d’extraire des sacs les billets,
Je les détruisais, les déchirais, les déchiquetais,
Et là ! Ouf ! Je fus enfin incarcérée !
J’avais gagné : blanchie, nourrie, chauffée, logée…
Je suis passée devant bon nombre de psychiatres
Mais aucun d’entre eux n’a pu statuer sur la folie,
Mon avocat commis d’office l’avait saumâtre,
Il n’avait jamais vu ça de toute sa vie !
La liasse de mes délits aussi haute qu’un château d’eau
Allait m’envoyer à perpète derrière les barreaux,
J’ai fais des pieds de nez au juge, au procureur de la république,
Aux jurés, au public, à toute la clique,
J’ai refusé toute remise de peine,
Les plaidoiries sont restées vaines,
Suite à ce licenciement bienheureux
Un nouvel avenir s’est ouvert à mes yeux,
J’ai un tas d’amies, les matons m’ont à la bonne,
Ils m’ont dispensée de tous travaux
(Que je faisais de travers…ça vous étonne ?)
« Incapable, même de remplir un sceau »
Ainsi j’ai passé une licence es économie politique,
Une maîtrise d’histoire, de lettres, de mathématiques,
J’ai eu le temps d’écrire vingt bouquins
Qui d’après mon éditeur s’arrachent comme des p’tits pains…
Bien sûr je ne touche aucun radis,
On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre !
Dans ma cellule je suis au paradis
Et me prélasse de bonheur…
Je suis triste aujourd’hui :
J’ai appris que mon ex patron était décédé,
« Surmenage » à ce que l’on dit…
Que les dieux aient son âme en pitié !
C’est grâce à lui que je suis ici,
Je le pleure, je lui dois tant !
Je lui resterais redevable, éternellement…
Mais qui de vous et de moi est le plus forçat ?
En la prison du métro/boulot/dodo vous vaquez
Ne songeant qu’aux RTT, vacances à tout va,
Calculant et recalculant vos jours de congés !
Derrière ces barreaux qui me paraissent cristallins
Je me sens libre…et je vous plains !
Conseils : ne pas mettre à exécution cette humoristique saga…
Quoique…pourquoi pas…
un trait d'humour, nous en avons grand besoin
Poème posté le 08/10/14