Au commencement, il y avait une pierre
Aux arêtes si rudes ; tellement marquées
Qu’elle se crut poisson naviguant en rivière
Bercée par les courants et leur éternité.
Elle se laissait vivre, au rythme du silence
Qui l’emmenait parfois aux abords de la rive
Puis, happée par les eaux l’invitant à la danse,
Elle s’en retournait à ses vertus oisives.
Des décennies durant, portée par le roulis
Elle forgeait ses courbes ainsi que sa peau lisse
De la roche rugueuse, il ne restait en vie
Que son âme accrochée à son cœur de silice.
Elle était devenue un galet d’un blanc pur,
Aussi immaculé qu’un nuage d’été.
Elle ondulait sans fin sur son lit ombragé
Se cabrant dans l’eau claire, insoumise monture.
Elle s’était juré de ne jamais partir
Excepté dans le cas où un enfant aimant
Lui dirait qu’il allait de sa main l’anoblir
De couleurs aussi denses qu’une pluie d’argent.
Le jour où cet enfant se présenta à elle,
Elle ne demanda qu’une seule faveur :
« Dessine, je te prie, à l’encre de ton ciel
Sur ma peau le sourire qui fige les heures »