L'emprunt
par Aodren
J’emprunte une passerelle surplombant tant d’eaux vives
Que les cordes tremblantes me lacèrent aux jointures.
C’est un cri qui se meurt en gagnant l’autre rive
Faible écho dans la nuit sous la lune, ses postures
Giflé par quelques branches, j’accepte la sentence
Et retrouve tête basse mes hontes enfantines
Quand de la gouaille fissurée jaillissait les carences
Et les lignes de défense aux brimades assassines
J’emprunte le chemin qui s’éteint en contrebas,
Happé par la brume déposée sur les vergers.
Quelques cailloux endormis s’accrochent à mes pas
Et me dépassent un à un, le long du dénivelé
Je les retrouverai peut-être, blêmes, désorientés
Entourés d’un décor qu’ils n’auront pas choisi
De l’inconnu surgissent les angoisses refoulées
Dont la gueule émerge pour sublimer le déni
J’emprunte une bicyclette, un temps laissée pour morte
Sous les branches d’un saule, à l’abri des regards
Je peux sentir la bruine et le vent qui m’exhortent
A enrayer les rouages et briser l’illusoire
C’est dans un bruit grinçant que je dévale la pente
Avec mes roues voilées, je vogue sur un gréement
L’asphalte me malmène lors de vagues incessantes
Dans le fracas de l’orage et du métal brûlant.
J’emprunte un filet de voix en passant l’embrasure
Quelques mots simples échangés entre deux étreintes
Ce discours convenu ne m’aura à l’usure
Que si tu n’es plus la gardienne de mes complaintes
A la lumière vacillante d’une bougie poivrée,
Je t’observe toute la nuit, au plus près de ta peau
Dans l’atmosphère, la Louisiane et quelques vents cuivrés
Je n’emprunte plus rien, je prends mon rêve au mot.
Poème posté le 07/04/12