Il fut dit , un beau jour, que le mouton sentait .
Quelqu’un, brutalement, dit même qu’il puait !
Tonnerre et éclairs tombèrent sur la tête
De ce doux innocent, de cette tendre bête.
Quoi, bêla le mouton, se peut-il que je sente
Alors que tout le jour, au long des prés en pente
Je pais l’herbe fleurie et parsemée de thym
Qui parfume mon nez dès le petit matin ?
Le vent de la montagne et la pluie, par moments
Aèrent ma toison, lavent mes vêtements
De laine douce et drue par l’homme convoitée
Lui, qui me tond bien ras dès que survient l’été.
Le mouton, atterré voit son honneur flétri
Mais il ne suffit pas que de lui on sourie
Voici que son ami, son très cher compagnon
Propage le couplet, serine la chanson
Et dénigre, et se moque et massacre l’ami
Qu’il adorait hier et enterre aujourd’hui !
L’âne, car c’était lui, enfin se réjouit
De n’être plus le seul dont on se gausse et rit.
Il lui vient un orgueil qu’il ne soupçonnait pas,
Habitué qu’il est aux corvées et au bât.
Cet orgueil s’affermit aux malheurs du mouton
Et il aurait plaisir à donner du bâton
A ce pauvre animal qu’ici on vilipende
Et va jusqu’à souhaiter, en secret…qu’on le pende !
Ainsi sont les aigris :dès qu’ils sont maltraités
(On a tant dit haro, aussi sur le baudet !)
Qu’il s’esbaudit,( le jour où il n’est plus victime)
Des malheurs de celui que l’on charge de crimes…
Il glose tant et plus sur le pauvre mouton,
Et sans prendre ciseaux, le dépouille et le tond !
Par ses propos moqueurs, il vous le met si bas
Que notre doux ovin songe alors au trépas.
Ainsi s’acharne hélas la vile populace
Flétrissant l’innocent qui lui demande grâce
Car il ne comprend pas pourquoi un vent soudain
Vient saccager sa vie et briser son destin
Moralité
Les hommes sont parfois frères d’Aliboron
Chargeant les innocents à grands coups de bâton,
L’opprimé de jadis devenant le bourreau
Qui envoie ses amis derrière les barreaux !
S’il faut juste un peu d’eau pour que germe la graine
Il faut beaucoup d’amour pour éteindre la haine