Profonde est la forêt où la lune a planté
Les ombres du silence et la nuit neuve encore,
Insondable est l'ailleurs où le rêve a plongé
Le sommeil de celui qui dort jusqu'à l'aurore ...
Il y a sur la branche un danseur presque nu
Et soudain sur la mousse un poudroiement sublime
Tombé de quelque étoile au moment où s'est tu
Le roulement confus qui montait de l'abîme.
Il y a cette ville où tout semble désert,
Où le pas vertical s'arrête avant qu'il pleuve,
Où s'égare le soir, où s'effeuille l'hiver,
Et ces rues envolées qui traversent le fleuve.
Et pourquoi serait-il interdit de s'asseoir
Au bord de la fenêtre, au dix-huitième étage ?
C'est de là qu'on entend, c'est de là qu'on peut voir
La cantate sans voix de la mer sans rivage !
Quel est cet inconnu qui me serre la main ?
Et quel est ce pays où la brume m'emporte ?
Je veux rentrer chez moi, j'aviserai demain ...
Qui a inscrit le nom d'un autre sur ma porte ?
On dirait que la ville a avalé le vent ...
Au fond de la forêt, le frôlement d'une aile ...
Sur sa branche givrée le danseur nu attend ...
Et la brume a soufflé le fleuve et la chandelle ...
Le dormeur effrayé se réveille en sursaut,
Se recouvre d'instinct, tend l'oreille, immobile ...
Tout est calme ici-bas, rien ne bouge là-haut,
Profonde est la forêt où sommeille la ville ...