Un bruit de source
par Kallistea
Lire au lit sans délai ce n'est pas un délit
La cuisine rangée, la vaisselle finie
Les enfants apaisés bien rangés sous la couette
La nuit peut s'avancer au signal de la chouette
Douce rumeur du soir qui endort la maison
Le chat est à nos pieds, entouré de ronrons
La lampe luit pour nous en présence discrète
Le livre va s'ouvrir sur des pistes secrètes
Lire au lit, lire au lit et tant de volupté !
Au creux des oreillers,le monde est occulté
Le corps est allongé en mode détendu
Je veux louer ce plaisir qui n'est pas défendu,
Ce languide plongeon en apnée solitaire
Dans les remous d'une eau aux vagues salutaires.
Les bruits sont estompés, la conscience s'éveille
A d'autres univers, à d' intimes merveilles
Qui résonnent en nous, surgissent de l'oubli :
Algues bleues balancées au rythme de l'esprit.
Des mondes inconnus s'offrent à nos désirs,
Continents oubliés d'où l'on verra surgir
Des peuples de jadis aux fronts aventureux
Et des galères d'or sur les flots furieux
Ulysse et ses vaisseaux longeant l'île de Corse
Et quelque Sampiero, au loin, bombant le torse
O frisson délicieux qui nous parcourt l'échine
Lorsque notre bateau parvient en mer de Chine
Et que, frais débarqués au pays de la soie
Nous voici secoués dans un tuk-tuk chinois
Voyages fabuleux à faire dans la tête
Et les pages choisies de nos plus grands poètes
J'entends un bruit de source à fréquenter souvent
Les sentes de Xavier frémissant sous le vent
Nous irons visiter de sombres cathédrales
D'immenses orgues bleus y lancent leurs clameurs
De grands pénitents blancs à genoux sur les dalles
Chantent « De profundis » au monde qui se meurt
Viennent à nous, en rangs serrés, œil de crotale
Les hordes de démons chassés du paradis
Et l'on entend les cris, les injures, les râles
De ce peuple enragé que le Seigneur maudit !
Puis soudain apaisé, notre monde bascule
La pieuvre de Goliath au fond des eaux recule
De Booz endormi on entend la chanson
Sous les cieux, étoilés d'une belle moisson.
Le livre, de nos mains peu à peu se détache
Et glisse lentement sur le fleuve du lit.
Le sommeil est venu, et les rêves attachent
Leurs voiles de velours aux barques de la nuit...
Poème posté le 05/03/17