Comme je sanglotais, accoudée à la table !
La lampe surmontait mon assiette remplie
D'une soupe de choux , beaux accents délectables
Mais une imprécation fermait mon appétit !
Mémé s'y entendait pour distiller la peine
Et mon âme d'enfant n' y était aguerrie
Pourtant dans ses propos, pauvrette, nulle haine
Si elle me châtiait, elle m'aimait aussi !
J'avais, en ce temps-là peu de goût pour l'école
Un drame s'employait à torturer mon cœur
Mes notes reflétaient une attention frivole
Et fugace... souvent j'étais partie ailleurs.
C'était donc le carnet de notes , déplorable,
Que Mémé brandissait avec désolation
Moment bien mal choisi quand on passait à table
Et que, tel un vautour, planait la punition...
Mes larmes ruisselaient dans cette bonne soupe
Dévalant de mes yeux sur mes petites joues
S'en allant, grossissant avec effet de loupe
Puis brouillant mon regard jusqu'à le rendre flou
Elina me tançait d'une voix vengeresse
Jetant ses mots cruels comme de gros cailloux
Sur ma tête penchée de pauvre pécheresse
Qui aurait dû expier ses fautes à genoux
Maman n'était pas là, exilée à la ville
Pour - la vie étant dure - y gagner quelques sous
Ma conduite, ô mon Dieu était d'autant plus vile
Qu'elle se « sacrifiait » en se privant pour nous !
« Si ta mère est malade ...oh l'impact de ces mots
Sur une âme d''enfant encore si fragile
Ce sera de ta faute... » et ces mots imbéciles
Vibrent encor en moi en indigne grelot !
Françoise Dolto n'était pas encore passée par là et notre éducation en toute bonne foi parentale était basée sur la culpabilité ! Jusqu' au bout de leur vie, ma grand-mère Elina et ma mère ont pratiqué avec conviction cette manipulation imparable qui nous mettait à leur merci. Mais je n'en veux pas à ces chères femmes car je les ai tant aimées ! Et elles aussi bien sûr, à leur manière ! Qu'elles reposent en paix !