Légère, elle danse sur un glacis de givre
Et sa jupe en crêpe de soie telle une aile ivre
Balaie avec enchantement l’esprit chagrin
Que l’ascétique hiver insuffle au matin.
Elle tournoie d’aise sur ses patins nacrés
Et toutes les années défilent à rebours,
Me voici sur un banc, jeune pourtant lassé
De toutes ces questions qui taraudaient mes jours.
Pourquoi ce vil plaisir à rudoyer l’agneau,
Assécher les fleuves et meurtrir le bouleau,
A vouloir s’emparer des cils de l’arc-en-ciel
Les séquestrer hautain dans un sombre tunnel ?
Pourquoi le souffreteux déjà stigmatisé
Doit-il être la proie de tous ces quolibets,
Sommes-nous les enfants de ces anges rebelles
Que Dante a visité dans l’enfer éternel ?
Alors que, renfrogné dans de tristes souhaits,
Je ployais sous le joug de ces calamités,
Je la vis s’avancer sur un miroir gelé
Pareille à une elfe venue de sa forêt.
Elle glissa vers moi comme une vapeur d’or,
Puis ses doigts délicats posèrent sur ma main
Une rose des neiges aux reflets corallins,
Fraîchement cueillie sur les flancs du mont Thabor.
La fée disparut sous les rayons du soleil,
Demeura dans ma paume une fleur sans pareille
Qui remuait doucement en quête d’existence,
Comptant sur ma chaleur pour sa reviviscence.
Et je compris soudain dans ce don si fragile,
Que l’offrande seule restait l’œuvre sublime
A ne jamais surseoir même à l’âge sénile
Quand retentissent les cloches de l’heure ultime.
J’ai remercié alors ma jeune ballerine
Dont la valse gracieuse et l’allure enfantine
Ont exhumé ce passé enfoui dans les sables,
Où avait sommeillé ce trésor ineffable !