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La Campagne de Picardie
par Ann


par Ann


Napoléon fit la campagne d’Egypte, puis celle de Russie ; en fin stratège, ça le mena sur l’ile d’Elbe. Je n’ai rien fait pour mais j’ai gagné la Campagne de Picardie, vous pourriez vous fendre d’une plaque à ma gloire ! Si vous ne le feriez pas pour moi, pensez aux cent survivants, mes voisins qui méritent bien un prétexte pour faire la fête… Le coq chante ! J’ouvre les contrevents de bois humide d’une semaine de pluie ininterrompue : ça occupera bien cinq minutes de mon temps perdu dans ce coin abandonné par les fantômes. A perte de vue, sur les champs de betteraves, la brume jette son linceul de dentelles sales, déchiquetées par un bosquet d’arbres agonisants et un vol de corneilles. Ce matin, je crois bien que c’est encore foutu, le soleil ne se lèvera pas. Les vieux disent qu’il y a longtemps, il était passé en coup de vent ; peut-être ne mentent-ils pas ! Les oiseaux gazouillent pour ne pas mourir de froid ! Une armée de gouttes d’eau glisse le long de la boite aux lettres agrippée au porche décapité de sa toiture. Hier comme demain, la campagne est chagrine et la pâleur de la Vierge affligée, aux croisements des routes de Grandvilliers et de Crèvecœur, égaie la grisaille du paysage. A la sortie du village, l’avant-dernière bicoque à gauche juste avant une ruine de briques et d’ardoises bouffées par la glycine dégoulinant sur un poirier tordu, vestige d’un antique hangar… C’est chez nous ! La Cafetière siffle de désespoir ! A la fenêtre de notre petit logis planté entre un verger envahi de mauvaises herbes s’étirant jusqu’au bois et la grand’rue - vous ne pouvez pas vous tromper de rue, vu qu’il n’y en a qu’une -, klaxonne un camion ! C'est le pétrin de Contis qui s'invite avec son pain, fade et mou comme le moral des troupes que seul le sourire de la boulangère pourrait consoler. Le vent ride les flaques abandonnées dans les ornières du chemin menant au tour de ville et assèche les visages. La terre colle aux bottes, le ciel alourdit les épaules ; la joie de vivre dans la musette, on fuit l’intérieur sentant le moisi et la fumée. Ce n’est pas une odeur, c’est une ambiance, une ambiance de torpeur et de fatalisme que déchire le tocsin, un appel de joie macabre. Les cloches sonnent. Les gens s’embrassent, ce n’est pas tous les jours qu’il y a un mort, faudrait pas le rater. La rivière de mémoire d’homme, a même déserté la vallée, le Multru est à sec. Quand son lit se remplit, c’est signe de catastrophe, d’inondation isolant le patelin de son voisin, Cont…ville. Vivement ce soir qu’on se couche et si des fois on ne se réveillait pas… Mais faut pas rêver! Le matin blême se pointe de nouveau sur le triste paysage sans horizon et le coq infatigable chante ; c’te tit-là doit fumer de l’ergot de seigle arrosé de genièvre ! Dans l’atmosphère flippante de guerre des mondes, les éoliennes colonisant des hectares de friches pour brasser du néant, ferment leurs quinquets jusqu’à la nuit prochaine.



Poème posté le 11/08/16



 Poète ,
 Interprète
Ann



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