— Un pain et pendant qu’on y est… un pastis !
Fis-je en entrant dans la boutique, d’humeur allègre.
— Et avec ça, ce sera tout ? insista la belle Anaïs.
— Deux jésuites et une tête-de-nègre !
Mais c’est bien pour vous faire plaisir…
— Ça nous fera vingt euros, fit la vendeuse tout sourire.
— Je ne comprends pas, j’ai bu l’eau de la fontaine
Et baisé* du lever du jour au coucher du soleil !
Foi de mon époux ! dis-je de mon bon droit, certaine
— J’en suis forte aise mais donnez-moi mon oseille !
Cette fille de boulanger, en effrontée gamine
Me réclamait des sous quand je criai famine.
— Papa !... Nimbée d’ignorance et d’entêtement,
Elle plongea ses poings dans son immaculé tablier.
Indignée d’un tel impardonnable comportement :
— Patron !... Je n’allais tout de même capituler !
La gueule enfarinée, le calot de biais fiché sur le chef :
— J’ai la fournée qui lève, de votre litige, faites bref !
Je m’expliquai de ma juste revendication en toute hâte.
— Je suis riche, riche d’amour à ne plus savoir qu’en faire.
— Puisse ainsi ! Approchez donc que vos attraits, je tâte !
Nous pourrions derrière ce comptoir nous complaire.
L’artisan de la farine se caressait déjà… le menton.
— Un téton ! Jamais en échange d’un vieux croûton.
Pour ne pas honorer votre tiroir-caisse,
Je ne viderai pas vos bourses, je vous laisse.
Offusquée, je continuai : « Entre nous, ce sera sans issue. »
On peut vivre d’amour et d’eau pure !
Mais bonnes gens, sachez que sans argent en sus,
C’est possible… cependant nettement plus dur.
* Pardonnez-moi cette vulgarité mais faute d'un synonyme approprié, j’en ai usé pour éviter la répétition.