Monsieur Trop et Madame Pas-Assez
par Madykissine
Fi des querelles de clochers,
Voici venu le jour de fête
Où ces deux ci vont s'épouser
Devant la foule stupéfaite.
On a tapissé le parvis
De breloques, de pacotille,
De faux billets et de grigris,
Pour la joie des petites filles.
Nous recevons ce bel éclair.
C'est notre étoile : elle est si belle !
L'union dote l'univers
D'une idée qui n'est pas nouvelle.
Approchons-nous et comprenons
Cet exceptionnel mariage
Entre le riche maquignon
Et Cendrillon, sans avantages.
L'on cherche un enchanteur caché
Parmi la foule abasourdie
Par le surnaturel, acté
Publiquement. Quelle magie !
Car monsieur Trop, dit-on tout bas,
N'est pas, à temps perdu, mécène.
Madame Pas-Assez n'a pas
Queue de poisson comme sirène
Et sa vêture en coton gris
N'est point taillée pour une reine.
Éclairez-nous de votre avis.
« Peut-être y a-t-il, mise en scène,
Une fuite dans la cloison
Du paradis, qui nous inonde ?
- Oh, croyez-vous, jeune fripon ?
Cela changerait-il ce monde ?
À la lettre on connaît pourtant
Que le déluge magnifique
Envoyé par le ciel puissant
N'a pas eu d'effets authentiques,
Malgré son grand enseignement,
Jusqu'à notre époque savante.
- Il faut admirer cependant
Cette belle courbe insolente :
Ah, vraiment, c'est la liberté
Qui desserre cette ceinture
Aux flancs de notre vanité.
- Pourvu que cette joie perdure ! »
Un colibri rit aux éclats
Sur la pierre de la fontaine.
Une goutte d'eau suspend là
Tout le mystère de la scène.
©M.KISSINE – Lignes brisées – ISBN 9782919390175
Poème posté le 26/07/15