Nous étions dans l’arrière-pays grec
Si lourd, à l’aplomb d’un jour de vacances,
La canicule nous ouvrait le bec
Quand à son seuil nous priâmes assistance.
Dévouée, elle nous ouvrit sa maison
D’un lumineux sourire aux dents parfaites
Et suivant les frissons de son jupon
Dans sa ferme, nous battîmes retraite.
Le décor était vieux mais chaleureux,
Grand-mère triturait des petits pois
Dont les cosses, entre ses pieds osseux,
Tombaient dans un bac posé de guingois.
Elle nous jeta le même regard bon,
Sans suspendre, tranquille, sa corvée,
A la radio passait une chanson,
La fredonnant toujours elle écossait.
La belle nous servit un vin très doux
Suivi de gâteaux secs à la semoule
Deux va et vient, mémorables froufrous,
Mêlant l’origan à la farigoule.
Dans un français exquis, acidulé,
Elle s’enquit d’abord de nos prénoms
Avant d’un peu plus loin interroger
Les folles raisons de notre excursion.
Nos réponses sciemment laconiques
L’émoustillait de nouvelles questions,
Rivalisant de réponses comiques,
Ses rires en prolongement nous guettions.
Ce souvenir que je croyais passé
M’est revenu comme un vif boomerang
L'autre soir à l’auberge où je dînais,
J’ai failli d’un coup avaler ma langue :
Soudain, cette mélodie familière,
Celle que la grand-mère murmurait !
Pétrifiés par un grand coup de tonnerre,
Sans rides, mes vingt ans ressurgissaient.
D’un éclair m’est revenu l’été grec
En l’année mille neuf cent quatre-vingt trois,
Les petits pois, le vin, les gâteaux secs,
Le bleu d’un jupon, le son d’une voix.
* En grec, Sagapo signifie 'je t'aime'
https://youtu.be/e_m-qFxuCDs