Oblivion
par Candlemas
J'oublie, j'oublie...
Mes tendres années, ce que je dois à l'enfant,
Mes rêves d'ado noyés dans un ciel bleu d'été
L'évasion entre quatre coins de papier quadrillé
Le goût d'apprendre, espoir de tout réinventer
J'oublie les caresses attendues, les regards entendus,
Ces maudits mots dits, et ces mots tus qui tuent,
Les coups et blessures, trop lourds à pardonner,
et mes hontes coupables, que je n'ai pu confier,
J'oublie les projets d'ailleurs et la douceur du retour,
La rançon du succès, mes conquêtes faciles,
La bouche bée, son contour, qui me faisaient aimer
J'arbore leurs oripeaux sur ma peau rapiécée
J'oublie l'instant qui fuse et le passé qui fuit
La peur confuse de demain, notre Saint-Valentin,
La neige en hiver et les signes de printemps,
La sève montante et l'heure du train prochain
J'oublie mon code secret et mon CV raté,
Les manoeuvres en carrière, à contrevent,
Les liens dénoués, la route en solitaire,
Et tes absences au coeur du nid désert
J'oublie le chaud, le froid, le tango argentin
Qui réveillait nos vagues à l'âme fatiguée
Et guidait nos doigts au creux du plaisir,
Le musc et le miel dans nos draps du matin
Je ferme les yeux sur la ligne de mire,
L'horizon que j'aimais, la terre déjà retournée
J'emprunte cent détours, contre les repères ennemis,
Au hasard des rues, d'un autobus manqué, j'oublie
Je réinvente chaque jour du corps pour nos vies
Et fais mine de saisir, d'un air entendu,
La chair et le sens, égarés depuis bien longtemps,
Inexorable, ma mémoire s'efface, et j'oublie
Mais suis, toi mon Amour, la sensuelle incertitude
de ma « pensée triste qui danse » et marche à contretemps,
Tu me sermonnes en riant, me dis que je n'ai plus de tête,
Et moi je souris, « ne t'inquiète pas, ce n'est rien, je suis là ».
Mes hommages à Astor Piazzolla, qui m'émut et m'inspira ce matin là...<br />
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Lien : https://www.youtube.com/watch?v=oB-RS000NLs
Poème posté le 07/02/15