Philosophie
par Salus
(Néo-socratique)
Le beau, souvent coupable, et le vil, souvent beau ;
Et l'incapable fol, et le mal, ce lambeau,
Détaché d'un démiurge en quête - ô vilenie,
D'une mauvaise action, qu'en bloc, l'Esprit saint nie ;
Perles d'un jeu trivial ou joyaux du turpide,
Pauvres docteurs Jekyll, nus, sans vos Misters Hyde !
Oui ! que le torve est riche et l'ambigu, joli !
Que Jésus ennuyeux sans son vain père - Eli -
Oui ! le prophète est flou, qu'un Judas ne l'atteste !
Semblerait-elle ainsi, la santé sans la peste ?
Quoi de plus fort, en vers, qu'un bouquet maladif ?
D'onze heures est-il meilleur que boire un bouillon d'if ?
Et n'est-ce pas l'amer, plus goûteux que le sucre ?
L'amour se peut-il vrai, sans le stupre et le lucre ?
La beauté de l'ivraie est agreste, et banal,
Un feu de naufrageurs se transforme en fanal !
La femme, dont la soie annonce assez l'épeire,
Est pire ! et l'homme noble, un exécrable père !
Mais qu'il est grand, le sort des malheurs enfantins !
Et l'élégance atroce, en ces espoirs éteints...
Le diamant de la faim, l'éclat blanc de la fin,
Et, rubis kafkaïen : le sacrifice vain.
Emeus-moi de ton fard, ô rare rose laide !
(Et plus profond le trouble encor, si rien ne l'aide.)
Ah ! Qu'il est preux, c'est vrai, le chant désespéré !
Et j'en sais, des sanglots, plus purs d'avoir erré.
Comme est poignant le bruit du bonheur qu'on écrase
Et comme, étant tabou, s'illumine une phrase !
Aride et désolé, léger comme un trou d'air,
Ainsi va le pays éperdu de l'hier...
Et cette barbarie accrochée à l'Antique,
N'est-ce pas désuet, délicieux, romantique ?
Les Parques et la Kèr, Zeus, Nyx, Tartare, Eros !
La perfection racée, intrinsèque de l'os !
L'or du charme éperdu de ces douceurs infimes ;
O mon œil, les venins intérieurs que nous vîmes !
Et cet abandon trouble au champ paradoxal !
L'insigne théorie en Cordes de sisal !
L'espoir, de carton fort, la beauté monnayée ;
Caractère de fer et volonté rouillée ;
J'en passe, et des meilleurs ; méfaits noirs, surjacents ;
Splendeurs qui vous cachez sous de plats airs décents,
Sentiments radieux, impuretés divines,
Et cette conclusion, lecteur, que tu devines :
Tout est dans tout, bien sûr, et réciproquement ;
Et tout tient du langage,
et le langage ment.
Poème posté le 11/06/18