Mémé, si on parlait un peu du robinet ?
par Marcek
« Mémé, si on parlait un peu du robinet ? »
Disais-je toute émue, là-bas à Frayssinet
Lorsque nous remontions en été de la source
Bien lasses toutes deux de cette longue course…
En effet, à Fumel, nous avions habité
La petite maison, où d’ailleurs je suis née,
Et où, luxe inouï, coulait à profusion
D’un très beau robinet, l’eau pour nos ablutions
(Et qui lavait aussi légumes et vaisselle)
Provenant à mes yeux d’une source éternelle !
Ma grand-mère peinait, chargée bien lourdement
Regrettant elle aussi le robinet d’antan.
Il fallait bien souvent répéter la corvée,
Mais moi qui la suivais, toujours je m’amusais…
J’aimais en arrivant jouer près du bassin
Où des lentilles d’eau formaient un vert coussin.
Nous partions au lavoir avec une brouette,
Quel courage elle avait, cette pauvre Mémette !
« Michou, fais attention, ne te penche pas trop »
Et moi je barbotais en me mirant dans l’eau
Qui se teintait de bleu. Le linge sentait bon
Lorsque Mémé, d’abord le frottait de savon
Puis énergiquement le tordait en spirale.
Tombait alors la mousse en neigeuses cascades.
La neige se fondait dans le petit ruisseau
Où la fraîche rainette épatait le crapaud.
J'y allais observer des couvées de têtards
Qui deviendraient jolies grenouilles sur le tard.
Le Verdelet chantait, je l’entendais au pré
Lorsque nous repartions, la brouette chargée
De ce beau linge blanc qu’on revenait étendre
Et qui sentirait bon, d’un parfum d’herbe tendre.
Les journées s’écoulaient, rythmées par ces travaux :
La cuisine, le linge et puis les corvées d’eau,
L’entretien du jardin, les cueillettes d’été,
Les soins aux animaux que Mémé élevait.
Dans ces humbles travaux, cette vie laborieuse,
On pouvait, je le crois, se sentir très heureuse :
Peu d’argent au logis, mais beaucoup de raison
Pour vivre dignement et tenir sa maison.
A ces femmes aimées, ma mère et ma grand-mère
Je dois d’avoir forgé très tôt mon caractère
En ces années d’enfance où l’on m'a inculqué
La valeur du travail, du courage obstiné.