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Le cargo.
par Rousselot


LE CARGO La fine lueur bleutée de l'aube, Détache les formes lourdes des bâtiments de la nuit. Il se glisse sans bruit. Une fine brume froide l'englobe. Elle caresse le sombre miroir des eaux. Seule, sur les flots, Sa longue et sombre silhouette Se confond telle une vieille goélette. Doucement, il sort de l'estuaire, À destination de son cimetière. A son bâbord, se dressent les ruines des chantiers abandonnés. Les cales fantomatiques imposent par leur prestance passée. Les grands ateliers aux structures métalliques S'effondrent sur leurs pieds faméliques. Ils disparaissent doucement du paysage. Seuls les goélands occupent ces sinistres lieux de naufrages. C'est là qu'il est né. Il y a de cela quarante années, Au siècle dernier. Jadis ces blocs de béton, gris, noirs et blancs Brillaient des couleurs de la vie et du levant. Sa mémoire lui fait revivre les vives clameurs des fiers ouvriers. Les chants précis des burins Frappant les chauds rivets du matin, Qui joignent les lourdes plaques d'acier. Tous équipés de bleus maculés de graisse, La prochaine roulée fixée à l'oreille, Ils pliaient, coupaient et soudaient cette tôle bougresse. A dix heures, à pleines dents, Les casse-croûtes étaient enfournés. Puis, après s'être restaurés, Ils sifflaient un litron bien mérité A dix-sept heures, Lorsque la sirène du chantier chantait, Vers la sortie, tous se précipitaient, Pour une escale chez "Ginette" Où attendaient de petites fillettes. Que ça sentait bon le tabac froid. On se posait devant de lourdes tables de bois. Où trônaient de vieux cendriers brunis par la nicotine. On causait fort, en oubliant la routine. On y refaisait même le monde. Et il n'y avait aucune honte. Les Cocos et les syndicaux s'empoignaient. Les autres rigolaient. L'avenir semblait rose, Mais on n'avait pas vu les nuages moroses. Ignoré, Le vieux cargo s'en est allé. Depuis longtemps les chantiers ont fermé. Il a dépassé le sémaphore. De sa sirène fatiguée, Il salue le vieux fort. Il n'ira plus vers le Bosphore. C'est usé et rouillé, Qu'il se dirige vers sa destinée. Attendu par une armée de va-nu-pieds En haillons, Là-bas sur une plage. Ils useront leurs poumons à découper ses bordages. Loïc ROUSSELOT



Poème posté le 06/02/17


 Poète
Rousselot



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