La frégate en silence avançait sur les eaux
Franchissant les moutons qui marquaient leur surface.
L’équipage aux aguets attentif, à sa place,
Surveillait l’horizon pour y voir les drapeaux.
« Navire en vue au loin ! » s’écria la vigie ;
Le Capitaine au foc stimula lors la troupe
En donnant son avis pour motiver le groupe ;
C’était bien l’Espagnol et non une effigie.
A ces mots les marins regagnèrent leur poste
Manœuvrant le cordage et parant les canons.
Il fallut empanner en veillant aux penons
Qui disaient d’où venait le bon vent de riposte.
Le maître canonnier, en entretien intime,
Mit Manon au courant de l’ultime réglage.
Les tout premiers envois précédant l’abordage
Partirent sans délais d’un assaut légitime.
Le tonnage estimé du navire espagnol
Imposait d’épargner le butin de sa soute.
Dès lors on ne pensa qu’à la finale joute
Où l’on doit s’étriper sans jouer le mariol.
Manon lança l’assaut criant qu’on la suivît
Tenant de sa main ferme une belle rapière.
Les hommes, sans chigner, mais d’une allure fière
Suivirent aussitôt comme elle le prévit.
Elle attaqua de front l’Ibérique homologue
Ferraillant sans trembler jusqu’à l’ultime effort.
Et l’on vit que son trait était bien le plus fort
Puisque son adversaire abrégea l’épilogue.
On maintint les grappins pour reprendre la route,
Ou plutôt l’océan. On garda son sang-froid
Durant cette bataille où s’affichait l’effroi
Tant le jeune équipage était pris par le doute.
Au retour, dans le port, une foule entassée
Accueillit ce convoi qui fit bon exercice.
Manon, pour son bon Roi, s’était mise au service.
Elle eut, pour ce butin, une broche enchâssée.