Un italien me fit, un jour, en confidence,
Le récit intrigant de l’Aveugle Maison
Qui sise au port de Gênes était la résidence
D’amours tenues secrètes quelque soit la saison.
Au siècle dix-huitième une dame subtile
Trouvant que trop d’ennui assiégeait le foyer
Créa un lieu discret, aux amoureux, utile
Afin qu’hors du logis ils se fassent choyer.
L’anonymat total étant règle première,
Les dames d’un coté, de l’autres les amants,
Entraient dans la maison dépourvue de lumière
Où l’on y découvrait sans mots des jeux charmants.
La fréquentation dans le noir absolu
Libérait les timides et aidait leurs audaces
Le lieu fort visité à bien des amours plut
Sans la vue on osait de savantes préfaces
Et ne limitant pas les douceurs attentives
Bien des enchantements qui étaient peu connus
Firent naitre dans le noir des recherches lascives
Dés éblouissements par le zèle obtenus.
Le hasard faisant bien, ou parfois mal les choses,
Malgré le doux silence et les yeux inactifs
Quelques affinités surgirent pour des roses
Dont les choix concluants furent répétitifs
D’une chambre prenant numéro identique,
Même jour en semaine, on pouvait être sur
D’avoir la même fleur dans la nuit idyllique
Pour d’idéals accords dans le local obscur.
On dit, mais est-ce vrai, le monde est médisant,
Qu’un accord atteignit presque l’extravagance
Que dans l’apothéose un couple s’épuisant
Découvrit l’infini de leur appartenance.
L’amant observateur, sa maitresse attentive,
Se connurent si bien que par inadvertance
Un doux grain de beauté prés d’une douce rive
Révéla de la dame un secret d’importance.
N’en disant pas un mot il garda le silence
L’épouse n’en dit mot, avait-elle compris,
Ils surent à l’avenir retrouver l’excellence
Leur logis devint nuit grâce à des draperies.
Mais l’aveugle maison n’eut pas de chambre claire
Les sens, sans la vue, semblaient bien suffisants
Et la feinte pudeur du manque de lumière
Libérait les envies en les favorisant.
Le couvercle de soie et l’écrin de velours
N’ayant pas grand besoin d’un total éclairage
Cette maison de Gênes abrita des amours
Qui de nuit savent encore inciter au voyage.
On eut pu regretter que certaine richesses
Ne fussent exposées pour le bonheur des yeux
Quelques uns vous diront suffisent les caresses !
Le siècle dix huitième à Gênes c’est bien vieux !