Tek’hilac’Amate
par Ann
Je ne la fourrerai
Ni de châtaignes,
Ni de céleri…
La dinde que je ne ferai pas rôtir,
Que je n’achèterai pas…
Ni bûche, ni foie gras.
J’abhorre
Les dernières ruées affoulées*,
Les étalages dégueulant de victuailles,
Les gondoles de jouets
Emballages clinquants,
Rien dedans…
Brisés, oubliés avant l’été…
Il n’y aura plus d’été.
Plus d’saisons ma brav’Dame !
Gaïa ne tournera plus autour de Phébus, la garce !
Le Soleil l’a prise !
Aux spiritueux, debout, accroupis
La ronde des pères
Passeront par ici,
Repasseront par là.
Mais qui l’aura donc la bouteille ?
C’était le rituel des choix difficiles,
Pour bien tituber
Après la messe dont ils se dispensaient au bistrot de la place…
Il n’y aura plus le vent pour battre les cloches.
Les Démiurges fêteront sans nous
L’avènement d’un nouveau-né.
Non, non je n’irai pas
Passer trois plombes à choisir
Des cartes de vœux ;
Paillettes d’argent,
Poudre de neige
Je n’inscrirai pas…
Formules insipides
Que j’envoyais aux amis,
Mi-figue-mi-raisin.
Toujours dans le besoin.
Jamais là quand il aurait fallu.
Il n’y aura pas de nouvelle année,
Ni demain, ni jamais.
Les volatiles resteront dans leurs plumes,
Ma cousine dans sa fourrure
En peau de bique.
Son copain de l’année
Et son boudin blanc
Ne viendront plus carillonner à ma porte.
Chez nous, chez eux, chez Vous,
Il n’y aura rien à voir.
Papillotes
Ni dans le drageoir
Ni dans ma toison filée à l’anglaise.
Je ne ramasserai pas
Sur le tapis effiloché,
Les aiguilles.
Sur le sapin, elles resteront…
Sans boules, sans luminaires
Comme d’avant la Genèse…
… Caputguxtabal transcrivait
A l’ombre d’un sapotilllier,
Le grand calendrier universel.
Quand il vint à lui manquer
Du papier d’amate, il avisa
Le grand roi Tek’Hilac Vinic.
« Où en es-tu arrivé
De ta besogne, Scribe-savant ? »
L’homme de l’art répondit :
- Vingt-et-un décembre deux mil douze !
- Suffit ! Tu m’as coûté déjà bien cher en ficus** !
A ces mots, le monarque invoquant
Kawil, Dieu des générations fracassa
De son excentrique*** serpentiforme
Le crâne de l’horloger du temps…
Partie pour nos petits, nés de la veille,
Je ferai mes dévotions à Dom Pérignon !
Loin de Toi mon Amour,
Ivre morte,
Ce vendredi, je serai raide !
Balayée par le souffle de vin…
- Ouin, ouin ! Et nos Bib’ !
Maman, Papa… Pépé !
Au secours, y’a Mémé
Qu’a les méninges qui s’embrouillent !
On s’en fout d’la fin du monde
Nous, On a faim !
* affoulée : mot valise construit par la contraction de affolé et foule.<br />
<br />
** le ficus servant à la fabrication du papier d'amate comme le papyrus l'était pour le support d'écriture du même nom<br />
<br />
**excentrique : objet de pierre dans les civilisations ignorant le fer
Poème posté le 13/01/13