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Poésie libre / Fort chagrin
              
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Fort chagrin
par Lefebvre


Ce n’est plus l’été, ce n’est pas encore l’hiver et comme chaque année je me laisse prendre par la tristesse et la mélancolie. Des tortures permanentes, lancinantes, qui me touchent impitoyablement. Pourtant, la nature m’offre des images merveilleuses, enivrantes de liberté. Mes promenades deviennent difficiles, la pluie, la boue, le vent qui fait tomber les branches mortes, tous ces éléments se liguent contre moi. Malgré cela, je ne renonce pas ! Bien que mon moral soit en berne et que les difficultés se multiplient, à chaque fois que je sens l’angoisse me serrer la gorge, je vais me promener et me perdre en forêt. Me perdre oui, pour oublier la vie qui m’entoure, oublier tous les soucis, les misères, tous ces désagréments quotidiens qui pourrissent mon existence. La nature, c’est mon univers, mon paradis, mon refuge, elle est ma confidente. Combien de fois a-t-elle accueilli mes larmes, mes prières ? Combien de fois cette bienfaitrice a-t-elle été la témoin de mes joies d’enfants, et plus tard, de mes bonheurs d’adultes ? Aujourd’hui, une fois de plus je viens la déranger, je viens fouler ses tapis multicolores qui charment mon regard. Sur les quelques feuilles restantes, des perles scintillantes tombent sur mon visage et se mélangent à ces larmes que je ne peux retenir. Des restes de pluie, des restes de chagrin, qui finissent par mourir… comme le temps. Par habitude, je suis silencieux comme un chasseur. Non pas pour tuer comme tous ces barbares, mais pour écouter et voir les animaux qui m’entourent. Il m’arrive de croiser une harde de sangliers, tout le monde les craint, car ils sont soi-disant agressifs, mais moi ils ne m’ont jamais rien fait. Il m’est arrivé d’être à quatre mètres d’eux, je les regarde sans bouger, ils me regardent aussi, et, indifférents ils continuent leurs périples à la recherche de racines tendres, ou des glands de chêne qui jonche le sol à cette période de l’année. À mon approche, les geais, gendarmes de la forêt, lancent des cris d’alertes, et comme rien ne se passe ils finissent par se percher sur les plus hautes branches pour m’observer. Quelques mésanges s’attardent encore et m'enchantent de leurs chants, avant de se rapprocher des maisons, fidèles, comme tous les hivers. Ici et là, il reste quelques champignons, des pieds de mouton, des chanterelles, qui ne demandent qu’à venir titiller mon palais. Parfois, mes déplacements silencieux sont récompensés, au détour d’une allée je me retrouve face à face avec un chevreuil. Pour moi, c’est un bonheur qui me cloue sur place, pour lui c’est une surprise tout aussi paralysante, alors nous restons là, à nous regarder pendant un long, un très long moment, et chacun de nous reprend son chemin. En continuant mes allées et venues, comme chaque automne je me demande si les arbres qui perdent leurs feuilles nous offrent une image triste. Ils pleurent la perte des beaux jours et se découvre c'est vrai, mais à vrai dire, moi, je contemple ces apparitions décharnées, ces formes majestueuses qui se dressent fièrement vers le ciel. Quoi de plus beau que le squelette d'un chêne centenaire, ou celui d'un sorbier, ou d'un magnifique bouleau blanc ? Des larmes, du froid, du vent, des images et des mots, des mots, pour noyer... mon fort chagrin automnal.



Poème posté le 11/11/10


 Poète
Lefebvre



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