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Poésie d'hier / Au fleuve de Loire
              
Poésie d'hier / Au fleuve de Loire
         
Poésie d'hier / Au fleuve de Loire

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Au fleuve de Loire
par Joachim du BELLAY


Ô de qui la vive course Prend sa bienheureuse source, D'une argentine fontaine, Qui d'une fuite lointaine, Te rends au sein fluctueux De l'Océan monstrueux, Loire, hausse ton chef ores Bien haut, et bien haut encores, Et jette ton oeil divin Sur ce pays Angevin, Le plus heureux et fertile, Qu'autre où ton onde distille. Bien d'autres Dieux que toi, Père, Daignent aimer ce repaire, A qui le Ciel fut donneur De toute grâce et bonheur. Cérès, lorsque vagabonde Allait quérant par le monde Sa fille, dont possesseur Fut l'infernal ravisseur, De ses pas sacrés toucha Cette terre, et se coucha Lasse sur ton vert rivage, Qui lui donna doux breuvage. Et celui-là, qui pour mère Eut la cuisse de son père, Le Dieu des Indes vainqueur Arrosa de sa liqueur Les monts, les vaux et campaignes De ce terroir que tu baignes. Regarde, mon Fleuve, aussi Dedans ces forêts ici, Qui leurs chevelures vives Haussent autour de tes rives, Les faunes aux pieds soudains, Qui après biches et daims, Et cerfs aux têtes ramées Ont leurs forces animées. Regarde tes Nymphes belles A ces Demi-dieux rebelles, Qui à grand'course les suivent, Et si près d'elles arrivent, Qu'elles sentent bien souvent De leurs haleines le vent. Je vois déjà hors d'haleine Les pauvrettes, qui à peine Pourront atteindre ton cours, Si tu ne leur fais secours. Combien (pour les secourir) De fois t'a-t-on vu courir Tout furieux en la plaine? Trompant l'espoir et la peine De l'avare laboureur, Hélas! qui n'eut point d'horreur Blesser du soc sacrilège De tes Nymphes le collège, Collège qui se récrée Dessus ta rive sacrée. Qui voudra donc loue et chante Tout ce dont l'Inde se vante, Sicile la fabuleuse, Ou bien l'Arabie Heureuse. Quant à moi, tant que ma Lyre Voudra les chansons élire Que je lui commanderai, Mon Anjou je chanterai. Ô mon Fleuve paternel, Quand le dormir éternel Fera tomber à l'envers Celui qui chante ces vers, Et que par les bras amis Mon corps bien près sera mis De quelque fontaine vive, Non guère loin de ta rive, Au moins sur ma froide cendre Fais quelques larmes descendre, Et sonne mon bruit fameux A ton rivage écumeux. N'oublie le nom de celle Qui toutes beautés excelle, Et ce qu'ai pour elle aussi Chanté sur ce bord ici.

Extrait du recueil "L'OLIVE", paru en 1549.

Poème posté le 27/12/09 par Rickways

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 Poète
Joachim DU BELLAY



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