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Salus
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Messages : 6898


Posté à 15h42 le 27 Jan 17



Glose N° 7


Glose toujours, tu m’intéresses...
(Bien sûr, je préfère tes tresses !)
Mais ma culture crasse grince
Quand c'est pour un gond qu'on en pince !



Comme j'attends un signe ami qui adoubera l’orthographe, que j'ai désastreuse, de "Les poux de la rime" (dont je vous conseille la lecture, accompagnée d'une aspirine) et que j'ai posté "berceuse abrupte", disons : trop près du mur, qui attend le même signe, suivez mon regard, la rubrique se tiendra aujourd'hui ici même, car, comme disait ce royal fripon d'Henri IV; "Praxis vaut bien une laisse !"
...Ou quelque chose comme ça...

Nous parlions de Ronsard, rat de cour souffreteux, conseiller d'Henri II, chéri par l'entourage de Charles IX, son ambition est d'être le Pétrarque français, mais il n'a point la constance amoureuse du maître, et ses muses le repoussent à mesure qu'il en change...

Contrairement à Marot, à qui l'on doit tout de même les évolutions des accords du participe, Ronsard se réclame d'une littérature savante et élitiste ;
il tente de ressusciter Pindare, poète grec du 4 ème siècle avant J.C, dont il est fan, en faisant de la lèche (en vers admirables !) aux grands de son époque, et Horace l'inspire ; il écrit dans le "mètre héroïque" (alexandrin) et le décasyllabe, ses célèbres "Hymnes", compose moult œuvres immortelles, moralise à tout va, invente la "grande poésie" (comprendre "docte"), phantasme sur Homère et Virgile et prend position, dans la guerre de religion qui sévit, pour les protestants, mais on s'éloigne du sujet.

Il impose l'ode comme le successeur du rondeau et de la ballade et ouvre ainsi un carcan, car l'ode peut choisir la combinaison de ses rythmes ; en même temps, il met le sonnet sous les feux de la rampe, contradictoirement puisque cette forme est absolument fixe et exigeante.

Sa poésie, qui m'ennuie profondément, est d'une grande rigueur technique, Ronsard est incontournable ; par le maniement de la langue et l'équilibre musical qu'il arrive à obtenir, ce poète reste une borne dans l'histoire de la versification - forcez-vous !

A peine plus tard, sous Henri III, en plein conflit religieux, apparaît, côté catholique (côté du roi) un certain Malherbe qui allait se révéler comme un "super Ronsard", technique châtiée, grande rigueur dans l'énoncé, la clarté, la syntaxe, je le tiens pour supérieur au premier, peut-être tout aussi fat et moralisateur, mais plus effacé devant son art, bref, meilleur poète.
Malherbe sera le poète officiel de la cour d'Henri IV, ses vers sont parfaits, sa langue est simple, dotée d'un maniement subtil et d'une infinie connaissance grammaticale, son étude est édifiante.
Il finit de fixer la poétique de son temps et marquera tout le 17 ème siècle

François de MALHERBE (1555-1628)


Chère beauté ...

Chère beauté que mon âme ravie
Comme son pôle va regardant,
Quel astre d'ire et d'envie
Quand vous naissiez marquait votre ascendant,
Que votre courage endurci,
Plus je le supplie moins ait de merci ?

En tous climats, voire au fond de la Thrace,
Après les neiges et les glaçons
Le beau temps reprend sa place :
Et les étés mûrissent les moissons :
Chaque saison y fait son cours :
En vous seule on treuve qu'il gèle toujours.

J'ai beau me plaindre, et vous conter mes peines
Avec prières d'y compatir :
J'ai beau m'épuiser les veines,
Et tout mon sang en larmes convertir :
Un mal au-deçà du trépas,
Tant soit-il extrême ne vous émeut pas.


Amusez-vous, ne serait-ce qu'à analyser le mètre, on sent une véritable recherche dynamique ! la langue est parfaitement maîtrisée, lire Ronsard est un devoir, lire Malherbe, un plaisir !

Côté protestant, on peut parler d'Agrippa d'Aubigné, poète classique plus baroque et plus noir dont la lecture laisse rêveur, voyez plutôt :


Je cerchois de mes tristes yeux
La Verité aux aspres lieux,
Quand de cette obscure tasniere
Je vis resplendir la clarté
Sans qu’il y eust autre lumière :
Sa lumière estoit sa beauté.


Ou encore, mais "traduit" :


J'ouvre mon estomac, une tombe sanglante

J'ouvre mon estomac, une tombe sanglante
De maux ensevelis. Pour Dieu, tourne tes yeux,
Diane, et vois au fond mon cœur parti en deux,
Et mes poumons gravés d'une ardeur violente,

Vois mon sang écumeux tout noirci par la flamme,
Mes os secs de langueurs en pitoyable point
Mais considère aussi ce que tu ne vois point,
Le reste des malheurs qui saccagent mon âme.

Tu me brûles et au four de ma flamme meurtrière
Tu chauffes ta froideur : tes délicates mains
Attisent mon brasier et tes yeux inhumains
Pleurent, non de pitié, mais flambants de colère.


On y voit quelques fautes de métrique et de césure (premier vers, dernier quatrain, même si, et compte tenu que ''meurtrière'' se devait, à l'époque, prononcer en deux syllabes), dont je suppose qu'elles sont du traducteur (en français actuel) car Aubigné, que je connais mal, ne me semble pas un rigolo, ceci dit, j'ai plusieurs fois constaté des écarts dans ses textes, l’enquête est en cours !


Montaigne planche sur ses "Essais", tandis que le monde s'étripe pour de subtils distinguos religieux, (l'Immaculée Conception, je vous demande un peu !) la noblesse cherche à se divertir avec une poésie précieuse et maniérée, que je ne vous présente pas, débrouillez -vous, Nous sommes au 16 ème siècle, le vers se codifie de plus en plus, la règle s'affine avec l'apparition de techniciens hors pair que tout le monde imite (Ronsard / Malherbe...) C'est un pas en avant et aussi un retour au lyrisme gréco-latin, le suspense est dantesque, je vous attends pour la suite!

Je finirai cette glose par un proverbe d'époque, en octosyllabe, s'il vous plaît :

« Il peut bien peu qui ne peut nuire » (Authentique !)


Qu'Il vous ait en sa sainte garde.

Salut !
Salus


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