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Salus
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Posté à 15h24 le 26 Jan 18



(Rien ici n'est de moi, mais j'en suis !)




Non, la poésie
n’est pas
une langue morte !

La Mouvance
des Poètes sauvages

ROLAND DAUXOIS

Extrait du Dictionnaire de la Non-Académie
de la mouvance des poètes sauvages 
25 juin 2006
(Sur le modèle parodique des anciens dictionnaires)

CECI EST UN NON MANIFESTE

POETES SAUVAGES 

Poètes sauvages au sens de « farouches ». 

En ce sens il ne se dit proprement que de certains poètes qui se tiennent dans les lieux éloignés de la fréquentation active des hommes et les plus proches de la nature. Un poète sauvage peut être également seul dans la multitude, c’est là sa force, non sa faiblesse.

La parole d’un poète sauvage n’est pas une production culturelle liée a un souci de reconnaissance ou  un pansement sur un ancien traumatisme, elle est une émanation véritable de son être, elle ne peut être séparée ni de son corps dans son expérience physique  ni de son esprit dans l’expérience unique de sa pensée.

Poètes Sauvages, se dit aussi, de certains poètes qui vivent ordinairement dans les bois (Sylvae) ou à proximité.

Sans religion, sans désirs de pouvoir ou de puissance, le poète sauvage se situe volontiers du coté des exclus plutôt que de se reconnaître dans le camp des inclus qui sont si souvent les assassins de la terre.

Le poète sauvage sait que la parole est sacrée, qu’elle peut être une arme redoutable et que chacun en cela est responsable devant l’univers de ses dires autant que de ses actes. 
Il reconnaît chacun comme son frère et si celui-ci s'égare dans la haine ou la violence il ne le suit pas sur ce chemin mais le reconnaît comme un frère momentanément perdu.

Exemples :
« Ce jeune poète est un poète sauvage qui ne se montre jamais dans le monde mais vit constamment dans et avec le monde». « Ce poète sauvage considère son ennemi comme celui qui le fera avancer dans sa quête de sagesse, celui qui lui ouvrira les portes de la connaissance en le forçant à aiguiser son esprit ».
Poète Sauvage, signifie aussi que ce poète n'est pas apprivoisé, ne sera jamais apprivoisé, en cela il n'existe pour lui ni être supérieur ni être inférieur. 

Exemples :
« C’est un poète sauvage il n’appartient à aucune école, il n'obéit à aucune règle ». « Ce poète sauvage est sorti du ventre de tourbe où il retournera, il n’a de véritable compte a rendre qu’à la terre sa mère et qu’à son père le ciel ! »
Poète Sauvage, se dit d'un poète qui se plaît le plus souvent à vivre seul, mais cultive les grandes amitiés plutôt que les réseaux. Le poète sauvage ne communique pas il écoute et il parle ! Le poète sauvage ne se connecte pas il lutte ! Le poète sauvage ne cherche pas à séduire il se contente d’être !
 
« Ce poète sauvage a le sens de la parole donnée».
«Ce poète sauvage est dans sa vérité, il parle, et beaucoup l’écoutent comme si jusque-là ils n’avaient pas écouté ».
Poètes sauvages :
Se dit aussi de certains poètes comme de certaines plantes, certains fruits qui viennent naturellement, sans qu'on prenne soin de les greffer, de les cultiver,
ces poètes sauvages refusent tout système qui aurait velléité de les dresser, de les classer, de les étiqueter à seule fin de les exploiter, de les vendre comme produits, de les nier en tant que poètes pour les utiliser seulement comme des outils rentables jusqu'à leur usure inévitable et à leur rejet.

Le poète sauvage est en cela semblable à l’olivier sauvage, le figuier sauvage, le pommier sauvage, la chicorée sauvage, la laitue sauvage !
on dit de la parole poétique de ces poètes sauvages qu’elle est sauvage, qu’elle a quelque chose de sauvage, pour dire qu'elle a quelque chose de rude, d'extraordinaire, et qui choque l'usage, l’entendement commun, qu’elle remue les consciences, qu’elle bouscule l’esprit englué dans le confort, qu’elle dérange ceux qui se croient hors d’atteinte…

Une façon de parler de poète sauvage, un procédé de poète sauvage, une façon de parler ou d'agir franche, rude, extraordinaire, non conventionnelle, une façon de dire , de s’élever contre toutes normes et toutes morales qui étouffent la vérité de l’être pour mieux le soumettre.
Enfin on peut dire d’un jeune poète sauvage qu’il est un poète en herbe venu sans culture à la poésie sauvage mais qui bientôt aidé par ses frères sauvages accédera à la parole sauvage reconnu par ses frères sauvages en toute fraternité …
Exemple :

« Cet enfant a dans les veines du sang de poète sauvage ! »


DAVID TREVIZ.

JE SUIS VENU VOUS RENDRE VOS ÂMES

Je suis celui qui est
Mais je suis celui qui hait
Mais je suis celui qui aimait
Pariât incarnant vos pires déchéances
Je suis l’exemplarité de vos esprits emprisonnés
Je suis le roi sans règne
Je plane de plaine en collines
De monts en déserts
De villes en solitudes
De solitudes surpeuplées
En plénitudes isolées
Je comble vos vides existentiels
En apaisant vos civilités
Je règne déjà sur vos corps
Je suis venu vous rendre vos âmes
Epeire alerte mon épée tranche
La moindre de vos hésitations
Araignée je m’emplie l’abdomen
De vos substances égarées
Je vous donne des Dieux
Des Dieux exemplaires, horribles ou masochistes
Je les reprends à vos souffrances
Chaque jour, chaque heure, chaque seconde
Je vous donne des Dieux
Et je vous les reprends
Leur inexistence prouvée
Je porte vos masques
Pariât je suis pire que vous ne l’êtes
Vous ne pouvez me craindre
Je suis pire que vous tous réunis
Je vous ais tous vécu
Dans votre chaire
Mon œil vous a scruté
Mon œil a scruté à la place de tous vos yeux
Il a savouré vos souffrances
Il a contemplé votre néant
Il a s’est livré à toutes vos turpitudes
Il a observé vos tempêtes
Le monde vous les avait reprises
Je suis venu vous rendre vos âmes
Je me suis battu avec vos pierres
vos épées, vos armes à feux et vos missiles
J’étais de tous vos combats fratricides
A contempler vos victoires vides
A endurer vos échecs avilissants
J’étais de toutes vos paix
Je me suis levé avec la lumière
Dans cette lumière je vous élevais
Je me suis couché avec l’obscurité
Dans ces ténèbres je vous livrai
Je vous ai regardé avec vos propres yeux
Je me suis perdu avec vos propres plans
Je me suis gagné dans vos abandons
Je vous ai tous vécu
Et je vous ai tous tué
Vous étiez sur vos routes, dans vos bureaux, à vos chaînes
Ce monde vous les avait enlevées
Je suis venu vous rendre vos âmes
J’ai connu vos absences de doutes
Vos abnégations, vos dépits
Je vous ai vu concéder vos âmes
Pour un peu de confort
Je vous ai vu concéder vos âmes
Pour des plaisirs intransmissibles
Je vous ai vu vendre ce que vous étiez
Pour acheter ce que vous ne seriez jamais
Je vous ai vu terrifié de ce que vous ne seriez jamais
Du fond de cet univers terrifiant
Aux fondements de la nuit
J’ai aimé vos obscurités
J’ai aimé vos lumières
Je suis celui qui hait
Mais je suis celui qui est
Mais je suis celui qui aimait
Je me suis éclairé à la lumière des incendies
Je me suis éclairé à la lumière de vos explosions
Dans le grand chaos de vos corps inanimés à jamais inassouvis
Je me suis aimé et je vous ai haïs
Dans la connaissance de ma propre haine
J’ai jeté le feu au dehors
Et le froid est venu
J’ai jeté vos corps
Et vous n’aviez plus d’âme
Cette absence était terrifiante
J’ai traversé de sombres couloirs
La nuit dans vos sommeils sans rêves
Je vous ai tous rencontré
Vos spectres déambulant sans fin
Les uns remplaçant les autres
Et vous n’aviez plus d’âme
Cette absence était terrifiante
Je vous tous connu dans le couloir obscur
Des longues nuits de sommeils sans rêves
Vos images gravées sur ses parois
Celles d’hier, d’aujourd’hui et de demain
Je ressentais en vous les morts que vous aviez toujours craintes
Je ressentais vos instincts, vos instincts raisonnés, vos instincts de survies
Aux parois de ce couloir obscur
Enfants, hommes, femmes,
Tous étaient figés du sommeil de la mort
Aux parois de ce couloir obscur
Nul chaos ne venait plus vous ébranler
L’ordre était mort
Je vous ai tous connu
Dans les parois de ce couloir obscur
Ce monde vous avait privé de vos âmes
Et vos sommeils sans rêves livraient
Vos corps inertes aux parois d’un couloir obscur
Je suis celui qui hait
Mais je suis celui qui est
Mais je suis celui qui aimait
J’ai connu la moindre de vos haines
J’ai connu le moindre de vos souffles
La moindre de vos retenues
J’ai traversé les longs couloirs
Des nuits de vos sommeils sans rêves
Je vous ai tous connu hier, aujourd’hui et demain
Et j’ai détesté tous vos corps sans âmes
Qui me terrifiaient
Je suis celui qui hait
Mais je suis celui qui est
Mais je suis celui qui aimait
Je suis venu vous rendre vos âmes
Pour vous aimez encore
En étant votre œil enfin neuf
Je suis venu vous rendre vos âmes



ALBERT GUIGNARD

FESTINS D’AMIS

Pain, vin, fromage :
eucharistie de Poètes sauvages.

Brailleur débraillé avec le coq à table,
pas au menu, car la vie seule est respectable.

Plus objectif que Nuremberg et La Haye,
se dresse le maquis culturel du mont Popey.

Notre grappe d’âmes a besoin de mûrir pour être
[vendangées.
J’ai beau juger en parfaite Co-naissance de cause,
encore morveux en esprit, j’ai besoin d’être mouché.

Qu’importe !
La Monstrueuse ruée vers l’or
en conjurer le mauvais sort.

Il suffit d’un salut de passage à Paris,
paré des oripeaux de la poésie.

Je ne souhaite pas à la banquise
de fondre à la vitesse du buffet.

25ième ou pas, pour l’heure,
pas de panique mais soyons prêt.

Dents de lion et doucette
mettent en bouche
la parole printanière
que profère Notre Mère-la Terre.

Pour le reste…
Pain, vin, fromage :
eucharistie de Poètes sauvages.


RECETTE DE GRAND-MÈRE

Hachez 1kilo5 de feuilles d’ortie
et laissez macérer dans 10 litres d’eau de pluie.
Touillez 15 jours durant puis filtrer
cette mixture nauséabonde
qui vous permettra d’éliminer
lichens et champignons.

Voici donc
le poème qui me rend passible
de 2 mois de prison
et 75 000 €uros d’amende
d’après la loi d’orientation agricole
du 5 janvier 2006,
entrée en application le 1er juillet 
de cette même année de disgrâce ;
loi interdisant jusqu’au simple énoncé
des vertus curatives de l’ortie en agriculture.

Chaman des mots,
le poète sauvage est le chantre de la nature
contre des Hommes, chancres de la nature.

ROLAND DAUXOIS
PHENIX L’ŒUVRE AU ROUGE
Chant poétique en vingt fragments

A mes amis qui se reconnaîtront en ce festin autour du feu. Fidèles à ces mots de Hölderlin :
« Nous étions un jour quelques amis assis au sommet de notre colline... »
Nous étions trois et la même fièvre nous habitait, entre le ciel qui nous éclairait et cette terre des mouches qui nous attendait, nous étions trois comme les trois éléments : terre, ciel, feu, et le fleuve de nos vies en devenait soudain limpide et lisible. Comme cet oiseau de feu qui traverse les siècles et les terres, nous avions expérimenté tant d’alliances, de fusions, de combustions parfois douloureuses, de renaissances inattendues.
Sur des chemins étranges, accidentés, nous nous étions faits très jeunes alchimistes du verbe, médiums envoûtés.
Plus d’un regard, plus d’une intelligence, avaient accueilli avec mépris ou indifférence notre verbe, mais nous n’avions prêté notre flanc au fer empoisonné du doute.
Ce feu nous habitait, et il brûlait pour la paix et non pour la guerre, notre corps fut accablé, notre esprit souvent troublé, mais jamais la conscience de ce que nous portions véritablement en nous, au plus profond, en fut altérée.


Septembre 2005

I

Nous avions attendu Cela
et Cela s’est montré
dans la magnificence nouvelle du monde.
L’ombre s’était retirée,
notre flamme avait poursuivi sa course,
notre corps avait épuisé là ses dernières réserves
tiré ses dernières cartouches.
Nous sommes restés là,
assis,
noyés,
inondés par les premières lueurs du soleil.
Nous avions attendu Cela
et Cela s’est montré.
Nous étions arrivés là où le centre est multiple,
là où, l’axe du monde s’élève en une colonne de feu.
Nous avions attendu Cela,
nos yeux contemplaient l’âme
telle qu’elle fut
au commencement de tous les mondes.



II

La pierre était
comme un os gigantesque planté
dans le ventre de la terre.

Nous nous étions perdus en ces visions qui ensemençaient les cercles, nous étions nus,
peuples de cendres,
immense sacrifiés.

La pierre était
comme la première marche d’un temple
où l’être prend conscience
de son orgueil d’être.
la pierre avait la solidité du seuil
et l’inflexibilité de l’adieu.

L’offrande n’était plus nécessaire,
la paix ruisselait en flots rouges,
incompressibles,
les gouffres n’en appelaient plus
à l’ivresse de la connaissance,
nous étions devenus
à force de ressemblance
les fragments d’un chant
qui recommençait ici l’écriture
de la genèse du monde.



III

Pour cet oiseau qui traversa les siècles
et nous légua la perfection de son feu.
Organe puissant du jeu où l’ombre d’une mort facile flotte devant nos yeux comme l’étendard brûlé d’une armée défaite.
En ce demain effroyable
écho de notre futur dévasté,
larmes à la joie mêlées,
drame immense et trop rejoué.

En ce demain où sang et terre
disputeront au fleuve
les restes d’une parole guerrière.
Ce demain,
visage en flammes
au seuil des voix renversées,
ce demain lavé
par des pluies de cendres
devenues légendes.



IV

C’est le même feu qui parcourt
les veines de la terre,
c’est le même feu en nos artères
feu secret,
feu central,
feu intermédiaire.
Trois feux brûlent
au-dessus de ces eaux,
trois feux comme trois visions
nées d’un soleil de mercure.
Ce sont les mêmes feux
qui nous donnent à voir et à entendre,
quand l’oubli réconcilié à la trace
reconstruit le rivage des hommes.



V

Battre l’enclume,
battre l’enclume !
Réveiller les morts
dans l’utérus de la terre !

Battre l’enclume,
battre l’enclume !
et s’arrêter à l’aube des évènements,
au bord de cet abîme
où la raison rejoint
son berceau de néant.
Battre l’enclume,
battre l’enclume !
Dans les quatre directions du vent !
Dans la sueur du corps
entendre sur le fleuve igné,
ce cri de l’oiseau
aux portes rouillées des écluses.
Voir cet être aux ailes coupées,
fils infortuné d’une légende
trop lourde à porter,
fils incapable d’accueillir ce nouveau souffle
et à le rendre universel.



VI

C’est le feu qui porte nos blessures,
c’est le feu sous la terre,
le feu mystique qui tremble
s’évapore et mue.
C’est le feu dans l’athanor de l’initié,
c’est un feu de lutte et de fraternité,
c’est un feu partagé
dont la leçon est inscrite dans le ciel,
c’est le feu d’un seul livre ouvert
sur la page blanche d’une prière murmurée.
C’est le feu d’un jardin
retourné de fond en comble
par de faux chercheurs d’or
et vrais pilleurs de tombes.
C’est le feu d’un esprit jamais vaincu,
le feu sous l’écorce de l’arbre solide,
le feu vivant d’un savoir persécuté,
le feu de la foudre,
le feu de l’oiseau messager,
le feu de la forge et du volcan,
le feu des dieux révoltés,
le feu sous la cendre,
le feu d’un autre feu jamais éteint.
C’est le feu d’un seul antre
où le visiteur pousse la porte,
prend une chaise
et reste assis dans la perfection du silence
à l’abri du mensonge des hommes.



VII

Le ciel donna toute sa démesure
sa sombre verticale,
sa spirale,
toute lecture en devenait
soudain trop facile.
Nos pieds n’obéissaient plus à nos têtes,
nos mains étaient devenues si légères
et si souples,
toutes nos douleurs
avaient fui d’un coup,
nous baignons en ce ciel
bercés par une musique
née d’un centre inconnu de la terre.
Le ciel ici nous léguait
toute sa démesure.
Un ciel d’un Orient symbolique
détenteur des plus grands arcanes,
ciel des chamanes,
des visionnaires,
ciel des charrues
plongeant leurs socs étincelants
dans la terre généreuse de nos enfers.



VIII

Comment concevoir l’ascension
sans la peur de la chute,
cette chute à jamais délivrée
du brûlant désir de l’ascension ?

Notre devoir nous paraissait sublime
mais sur ce vieux rêve
d’atteindre les cimes
la réalité semblait l’emporter,
nous avions charge d’âmes
et pesait sur nos épaules
le poids singulier
de nos pensées singulières.
Qu’importe, nous ne pouvions
attendre plus longtemps
la fonte des glaciers !
Notre corps devait pour survivre
s’emplir de visions non terrestres.
Qu’importe, nous devions réapprendre
à voir sous une autre lumière,
à exhumer les armes désoxydées
de notre mère la terre,
à apprivoiser notre nuit et ses colères,
le feu et l’ombre dansante de sa folie égorgée !

Levons-nous, messagers d’une paix nouvelle
sous le seul emblème d’un feu
trop longtemps enfermé
dans le seul carcan de nos songes réprimés !



IX

Il nous faut vivre, il nous faut vivre,
nous qui croyons si peu à la vie
nous qui avons renié l’esprit de cet oiseau
qui traversa jadis notre horizon
d’est en ouest.

Il nous faut vivre, il nous faut vivre,
la terre a tiré sur elle sa couverture d’eau,
les montagnes les plus hautes
devinrent riches de ces silences
dont seuls sont doués les êtres de pierre.

Il nous faut vivre, il nous faut vivre,
le ciel est si proche, le ciel est si distant,
un oiseau prodige pourrait reconquérir
les cimes dangereuses,
les routes creusées
à même le roc du langage
par la seule manne des pluies et des vents.

Il nous faut vivre
réapprendre à sauver l’oiseau
dans le cratère de nos mains
Il nous faut vivre
entre couleuvres et vipères,
avoir la rapidité du lièvre
et l’œil de l’épervier.



X

A l’image du nid
répond énigmatiquement l’image du bûcher,
celle du phénix sacrifié.
Pour cette mort soudain
trois cent soixante cinq plumes se sont embrasées.
Un battement d’ailes,
rien de plus,
un battement d’ailes,
il n’y eut rien de plus...

La terre avait ôté ses oripeaux de miel,
gardé au plus intime d’elle
son insulte vivante au soleil.



XI

Nous parlons ici d’un feu
qui ne dira jamais son nom,
Un feu d’une intensité qui ne sera jamais nôtre.
Ne nous méprenons pas,
notre langue peut surprendre une vérité
et l’étouffer du même coup,
les songes sont trop précieux
pour être révélés au grand jour,
nous devons les garder
pour le domaine de la nuit.
Ne nous méprenons pas,
nous parlons ici
d’un oiseau qui veut renaître
et se nourrir de sa propre image,
nous parlons ici d’un oiseau
né dans la langue des pierres froides,
nous parlons ici d’une image oiseau
et cette image est l’ellipse d’un vol
qui vise les sommets.
Nous parlons ici,
nous voulons nécessairement parler
de notre propre drame.
Revenus de notre ancienne chute
d’un de ces sommets,
nous venons lécher aujourd’hui
et nos plaies et les pieds de la terre.
Nous rejoignons ici et le rêve et le rite,
les signes debout nous reçoivent
comme on accueille des héros morts,
nous parlons ici de fragiles alliances,
de noces de fer et de cuivre.


Nous parlons et sur l’horizon de cette parole
l’oiseau finit de rassembler les plantes
qui donneront à sa renaissance
les parfums d’une douce éternité.
Nous parlons ici d’un autre oiseau,
tout de feu et de miel,
d’un oiseau de soufre
en quête d’autres voies lactées,
traversant en un seul souffle,
du nord au sud, d’est en ouest,
la voûte muette et glacée.



XII

Soufre, mercure et sel,
vos visages sont mes mains,
et saigne tout un ciel
de ne vous avoir peint plus tôt.
Soufre, mercure et sel,
le seuil est à deux pas.
à nos veines de se souvenir
de cette vie bouillonnante sous l’écorce,
toute sève montante et chair abandonnée,
pour un cheveu, pour un ongle,
qui peut renier ici la terre ensemencée ?

Soufre, mercure et sel,
nous sommes ici au commencement
enfin dépouillés
du lourd matériel de toutes les apparences...



XIII

Nous qui avons grandi
à l’ombre de la chute,
nous qui avons puisé dans la chute
la justification de tous nos actes,
nous pouvons aujourd’hui
abandonner ce mensonge
et commencer à gravir la montagne
de nos illusions.

Nous devons effacer en nous
toute trace douloureuse,
nous devons nous vêtir
d’habits nouveaux,
laisser planer au-dessus de nos têtes
des oiseaux de légende,
abandonner nos ombres au pied
des premiers rochers.

Même dépouillés
nous ne serons jamais nus,
notre marche nous conduira
hors la matière,
hors ce monde,
le ciel ne sera plus un fardeau
mais une promesse de paix et de grandeur.

Nous rentrerons en ce ciel,
chargés de tous les pigments de la terre,
nous rentrerons en ce ciel
où l’ombre ne peut être admise.



XIV

Qui peut décrire cette aube,
ces premières lueurs
sur la beauté d’un monde qui s’éveille ?

Qui peut décrire avec exactitude
cet arbre au feuillage si majestueux
qu’il peut à lui seul
recouvrir de son ombre fraîche
le grand corps mutilé de la terre ?

Qui peut décrire cette ombre affamée
qui tourne autour de la caverne ?
Qui peut décrire cette source trop abondante,
cette parole perdue ?
Qui peut décrire
et ressusciter ainsi
ce verbe trop hâtivement déclaré absent
et nous tromper si douloureusement
sur la réalité de ce monde ?



XV

Ce feu est la source,
sa source est le feu,
la montagne son origine,
l’origine est sa montagne.

Ce feu est oiseau,
cet oiseau est le feu,
tout s’éclaire à la source,
tout revient à la source.

Le feu et la montagne ne se reconnaissent,
mais la connaissance est dans le feu
et dans la montagne.

Ce feu n’est pas né du ciel
ni des gouffres,
l’oiseau n’a pas percé les nuées
pour se poser
sur le flanc d’une seule montagne.
La lumière a noyé la terre,
cette histoire a été offerte à nos enfants
pour qu’ils redécouvrent plus tard
le feu sous la montagne.



XVI

Vous avez suivi dans le ciel
les triangles parfaits des migrations sauvages,
dénombré dans ce même ciel
les traces pourpres de braises trop sages.
Mais que savez-vous aujourd’hui
et du ciel et de la terre ?
Que savez-vous aujourd’hui de l’absolu,
de cette langue charnellement enfouie
dans la chaleur de la tourbe ?

Que savez-vous de l’arbre et de son fruit,
que savez-vous des fleuves et de leurs passeurs,
que savez-vous du fer et de la hache,
de la montagne et du soleil qui s’y cache ?

Que savez-vous du vol imparfait
des migrations profanes,
de cette main sertie d’étoiles
invisible pour l’homme mais évidente pour l’âme ?

Que savez-vous de par votre science, vos fouilles aveugles,
Que vous ont révélé vos tentatives de déchiffrages
sur les épaves muettes d’incompréhensibles naufrages ?

Que savez-vous et de notre cri,
et de notre rage,
de nos silences
et de nos résignations,
que savez-vous d’autre
hors ce que nous avons bien voulu
vous abandonner ?



XVII

Descendre en nos enfers
retrouver la flamme perdue,
descendre en cette parole
remonter le verbe nu.

La terre fertile a donné tout son sang.
Sous les yeux de ses fils solaires
Elle,
suppliciée,
n’entend plus que sa propre colère.



XVIII

Tant que feu durera
nous aurons soif de cette vie,
tant que feu durera
des forêts de verbes sans écorce
glisseront leurs racines
sous l’épaisse fougère
comme un oiseau plonge dans la mer.

Tant que feu durera
notre vie ne connaîtra ni écluses,
ni barrages.
Tant que feu durera
nous accepterons cette épreuve
avec l’émerveillement des êtres
soumis à des puissances inconnues.



XIX

Il brûle l’ancien golem
et nous brûlons avec lui.

Il brûle l’ancien golem,
se démène, crie et supplie son maître
de mettre fin à sa destinée,
mais nul ne vient,
nul ne veut entendre sa plainte.
Il brûle l’ancien golem
et nous brûlons avec lui,
entre démence haute, murs et pavés,
entre espaces froids et fermés
où tous attendent d’être bercés.

Il brûle l’ancien golem,
son ombre vacille au bord des rochers,
l’eau en furie l’entraîne,
d’un seul doigt
nous avions décidé de sa ruine,
les claviers de nos écrans
en avait dessiné l’impensable folie.

Il brûle l’ancien golem
par les artères d’une ville
qui ne veut avoir de nom,
Il poursuit sa course de comète
en maudissant celui qui au-delà des signes
avait eu l’imprudence de le créer imparfait.



XX

C’est le souffle de l’eau, c’est le souffle de la terre, mêlé à la rouge sueur du volcan. C’est le souffle du ciel c’est le mercure plongé dans la mer, c’est le corps flamboyant, c’est le souffle du souffleur qui s’épuise dans le chant.
C’est un peuple au bord d’un fleuve
sans ponts ni barques,
c’est un peuple sans espoir de traversée,
un peuple dressant
sur la plus grande des places
de la plus grande de ses villes
une potence démesurée
pour cette vérité
dont il ne peut sans périr
entendre les accents.


DIONYSOS

Je suis le dieu de l’arbre, de l’écorce et de la sève ,
l’incarnation vivante de toute fertilité.
Sur mon passage fleurs et fruits sortent de terre,
de mon thyrse sacré je frappe le sol
et des roches les plus dures, de la terre la plus rétive
je fais jaillir l’eau, le vin, le miel et le lait.
Je suis le maître des liquides nourriciers,
le dieu des source souterraines,
je suis celui qui distribue la joie
et chante les bienfaits naturels du travail honnête de la terre.

L’ancienne Rome m’a rebaptisé Bacchus moi le deux fois né, celui dont l’histoire n’a retenu que les orgies coupables, j’étais grand et bel éphèbe mais les siècles qui suivirent m’ affublèrent d’un masque grotesque, et quoi ! quel était donc ce corps ventru, avachi , la coupe entre des doigts charnus se déversant entre des lèvres disgracieuses ? Etait-ce là le dieu qui était né d’un si vaste foudroiement entre la terre et le ciel ?

Les fanatiques s’empressèrent de me remettre le sceptre de la luxure, de la paresse et de la colère, il leur fallait un épouvantail à ces moralistes pour asseoir la perfection de leur dieu unique, ils m’accablèrent donc et me firent roi de carnaval qu’ils pouvaient brûler en place publique, désignant ainsi à la vindicte générale ce débauché, ce grand corrupteur ! Après m’avoir déshonoré ces habiles manipulateurs pouvaient offrir à leur dieu le privilège d’un visage pur et éclairé habité par une sagesse toute universelle.
Ce dieu ainsi lavé de toutes les turpitudes (dont je me trouvais chargé) était prêt à convertir des peuples avec des armées dignes des nuées de l’Apocalypse !

J’ai toujours su répondre à l’appel désespéré des hommes lors des moments les plus tragiques de leur histoire, c’est à la renaissance, période si justement nommée, que je fus rappelé dans toute mon ancienne gloire, dans toute ma dualité, dans toute ma vérité, tout semblait a nouveau me sourire, je pouvais réaliser leur rêves d’unité fraternelle !. Je vous salue donc de mémoire joyeuses confréries des poètes : festoyeurs ! : chère bande de Magny ! gaillarde bande de Baïf ! , troupe sacrée des compagnons à la gorge altérée de Belleau ! J’étais l’invité d’honneur à leur grand festin lyrique, mais hélas les fanatiques veillaient et ces poètes généreux furent calomniés et poursuivis pour m’avoir côtoyé.
J’étais à nouveau redevenu le coupable idéal, le maître de la débauche et de la démence ! Sous les burins serviles et sous les pinceaux huileux des artistes je m’enfonçai dans une ignominie toujours plus grande. Ces virtuoses firent de mon thyrse une vulgaire broche à saucisses puis plus tard placèrent un affreux balai entre les mains d’une figure à moitié homme à moitié bouc cornu et barbu qui avait volé toutes ces apparences diaboliques à mes joyeux compagnons satyres, ménades , bacchantes et autres faunes ! Pour me sauver une nouvelle fois, vinrent les poètes du nord, les chantres des temps anciens , des météores ! ils me rendirent ces braves, ces lumineux ma dignité , ma noble appartenance à tous les éléments d’une nature qui commençait à souffrir des saccages perpétrés par l’homme. J’étais à nouveau leur guide, leur intercesseur entre les puissances du haut et les puissances d’en bas, ils me célébrèrent tous a leur manière, dans l’abîme ou dans la lumière, certains parmi les plus inspirés en payèrent le prix mais leur folie fut un don et leur tragique démence construisit leur gloire qui ne fut jamais démentie.

En ces temps nouveaux dans les vapeurs industrieuses émergeait la nouvelle Rome, infatigable, elle enfantait nuit et jour et multipliait son aristocratie marchande sur toutes les terres, sur toutes les mers. Pour la servir des multitudes devinrent esclaves et se chargèrent souvent elles mêmes de liens qu’elles nommèrent libertés !
Très vite ces feux consommèrent les plus fidèles serviteurs, ces corps tout entiers occupés à une monstrueuse et névrotique agitation, du sommet de leurs cheveux laqués aux ongles soignés de leurs orteils ! .
Tous, disciples et prêtres officiaient en leurs temples de verre sous l’œil omniprésent des gorgones domestiques et célébraient la valeur, plus grande à leur yeux que l’humanité entière, d’une parcelle de papier arraché à notre frère l’arbre ! La nouvelle Rome dans sa fièvre avait fait basculer Bacchus dans l’ivresse monstrueuse des grands génocides, moi Dionysos je vous l’affirme aujourd’hui cette nouvelle Rome périra trahie par son appétit féroce et imbécile, elle déchirera ses propres membres et comme la mère de Panthée réalisera après avoir connu l’ivresse de la victoire, l’horreur irréparable de son crime !. Elle comprendra effarée qu’elle a tué de ses mains sa descendance en laquelle elle avait placé tous ses rêves de puissance. Ainsi ma folie dionysiaque aura encore frappé, non un seul roi comme Lycurgue qui voulant me chasser fut aveuglé et croyant arracher les ceps sur son royaume tua ainsi son épouse et son fils, mais cette fois un empire toute entier ! un empire trop confiant en sa puissance, un empire trop présomptueux qui s’était donné comme mission d’abolir le mal.
Je ne suis pas le dieu du vin mais le dieu de la vigne, le dieu de la vie ! et la folie qui accable mes ennemis s’abreuve à la source de leur propre haine que je transforme en hallucinations. Plus les masques de mes ennemis sont nombreux et habiles plus la folie dont je les accable est violente et dévastatrice.
Dissimulez votre cruauté sous la bienveillance ou sous la compassion religieuse et vous ne pourrez m’échapper ! comme devant Méduse vous périrez brûlés par votre propre regard ! Oubliez votre âme et vous n’aurez plus ici que la faiblesse de votre corps abandonné à la voracité des vers et aux bourdonnements des mouches ! Ma jeunesse est éternelle ! , poètes prophétiques, poètes visionnaires je vous invite tous ici à un festin fraternel ! , je vous invite moi Dionysos à danser sur les ruines de la nouvelle Rome !



31 juillet 2006
DAVID TREVIZ
L’homme de 1837.

Nous sommes le Golem d’un homme de 1837.
1837. Un homme nourri à la farine Raison calcule sur des fondations industrielles.
Il calcule des méthodes pour tout récupérer, tout galvauder.
Révolution. Que le terme est beau !
Il faut le vider, vider le mot !
Sucer sa moelle. Récurer. Vomir la moelle. La jeter. Ne pas la digérer. La rendre impropre. Récupérer la
carcasse vide puis la réanimer en lui greffant le coeur d’une implacable mécanique.
La révolution sera industrielle.
L’homme de 1837 calcule au fond de son bureau victorien. Sa Victoire se dessine.
Tout désormais servira l’industrie.
Récupérer les cadavres des guerres Napoléoniennes. Rien ne se perd. Récupérer boisseaux d’ossement
humains et équins. Sans distinction. Hommes et Chevaux se ressemblent dans la mort. Leur mort peut être
utile. Rien ne doit se perdre. Les réduire en poudre pour fonder l’oubli sur lequel doit naître un monde
calculé, sur mesure.
Répandre la poudre pour engraisser l’herbe.
Engraisser l’herbe pour en nourrir bovins et ovins avant de les faire mourir pour en nourrir les hommes.
Nourrir les hommes pour en faire des travailleurs. Les travailleurs de l’industrie qui seront eux-mêmes réglés
pour vivre le temps d’une industrie. Ni plus. Ni moins.
Le temps d’une industrie. Ni plus. Ni moins.
1837. Duncaster. Aujourd’hui Doncaster. Un O d’horreur a remplacé le U. Comme une mise en garde. Le O
de l’Os industrieux contre le U des Us primordiaux.
Sur ces terres engraissées d’ossements en poudre paissent bovins et ovins.
Doncaster. Ville où les travailleurs meurent par Trois, dans la même rue, une fois leur temps fait. Ayant servi
l’industrie qui les a nourri, ils meurent par Trois, dans la même rue, d’une variante savante de l’Encéphalites
Spongiforme Bovine. Ils avaient fait leur temps, programmés par l’industrie.

1847. Victor Hugo s’était fait chroniqueur de ce désastre pressenti. Victor Hugo le Romantique.
L’homme de 1837 avait pris les devants.
Romantisme. Que le terme est beau !
Il faut le vider, vider le mot !
Sucer sa moelle. Récurer. Vomir la moelle. La jeter. Ne pas la digérer. La rendre impropre. Récupérer la
carcasse vide puis la réanimer en lui greffant le coeur d’une implacable mécanique.
Le Romantisme sera mièvre. Inoffensif.
L’homme de 1837 calcule au fond de son bureau victorien le démantèlement de tous les mythes, le recyclage
de tous les concepts et leur refonte industrielle. Sa Victoire se dessine.
Tout désormais servira l’industrie.

Il faut calculer. Calculer vite et sans relâche pour mettre en coupe réglée une humanité qui doit perdre son
âme au nom de la Raison.
Sait-il que cette Raison est l’oeuvre d’un fou ? Sait-il qu’en cette Raison, ce fou ne reconnaît d’autres profits
que le sien ?
Il ne veut pas le savoir. Il a trouvé sa place, l’homme de 1837. Il ne veut rien Savoir. Il a trouvé sa place et
veut bien, pour s’y maintenir, calculer les règles de l’Avenir du monde, au nom de la Raison d’un fou.
L’homme de 1837, au fond de son bureau victorien met au point une implacable équation socio-économique
qui saura remplacer l’équation sentimentale, libre et indomptable du big-bang. De cette équation, tout, déjà,
est en train de naître en un monde nouveau. Tout va naître de ça.

Auschwitz est sur la courbe de cette équation. La colonisation est sur la courbe de cette équation. Iroshima
est sur la courbe de cette équation. La misère utile, le chômage providentiel sont sur la courbe de cette
équation. La pollution est sur la courbe de cette équation. Le Cancer est sur la courbe de cette équation.
L’illusion est la puissance de cette équation.
Nous sommes le Golem de l’homme de 1837.
Nous sommes sur la courbe de son équation.
Et nous allons faire notre temps, ni plus, ni moins, ayant servi l’industrie, au nom de son équation.
Nous allons mourir, dans la même rue, saisis d’une variantes savantes de l’ESB, de Cancers, de Sida, ou de
toutes autres choses qui sont toutes sur la courbe de son équation.

Nous allons mourir ainsi.
Si…
Si nous succombons à l’illusion de cette courbe.
Si nous ne décidons pas de vivre et mourir d’autre chose.
Si nous ne vivons et ne mourons de Vérité.
Car nous pouvons encore choisir de mourir dignement, à 100 ans, comme le faisaient les ancêtres de tous nos
peuples dénaturés. Ces hommes des bois qui ne devaient rien à l’homme de 1837.
Nous pouvons encore mourir, à 100 ans, en Hommes Sauvages et Libres, dans un dernier souffle pacifié,
ayant remis sans crainte notre esprit à l’Esprit.
Nous pouvons encore retrouver l’équation primordiale. Celle du Big-Bang.
Sur sa courbe, il y a la Révolution. Le Romantisme. Il y a la fraternité. Il y a l’âme humaine. Il y a les
sentiments. La puissance de sa courbe est l’authenticité.
Nous pouvons encore mourir, à 100 ans, en Hommes Sauvages et Libres.

L’homme de 1837 ne sera alors plus que poussière propre à engraisser la rocaille d’un cimetière victorien.
Son âme vidée rendue au néant.
Et nous… Nous offrirons aux beaux jours de nos 100 ans nos ossements à la terre, au coeur des forêts de nos
ancêtres. Nous offrirons aux beaux jours de nos cent ans, nos vieilles chairs pour engraisser les larves de
mouches, comme le doivent tous les morts depuis la création de la vie. Et nos esprits pacifiés seront remis à
l’Esprit. Calmement. Logiquement. Sans bruit. Dans le silence des chants d'oiseaux.
L’âme humaine sera sauve.
Si...


Ce texte poétique a été inspiré à David Treviz par la lecture du livre du Professeur Bernard Debré : « La fin de l’Homo Sapiens ou la vengeance du serpent ». M. Debré explique, dans ce livre, que l’usage des farines animales s’est généralisé, en Grande-Bretagne, dès 1837, pour engraisser l’herbe, puis nourrir le bétail. Les premières farines animales provenaient du broyage des ossements humains et équins des champs de batailles Napoléoniens. A Doncaster (anciennement Duncaster), lieu où fut initiée cette pratique, en Angleterre, 3 personnes sont mortes d’une variante de l’ESB, dans la même rue.



ROLAND DAUXOIS

VOX IRAE

(VOX V)
Nom de Dieu la voix !
Au nom de quel Dieu
par quel autre Dieu travaillée
cette voix de toute éternité,
de quelle autre terre surgis-tu
toute de fer et d’effroi ?
Nom de Dieu la voix !
Que cherches-tu en ces abîmes
où notre humanité errante
a depuis des siècles,
habilement dissimulé son crime ?
Nom de Dieu la voix !
De quelle cruauté te nourris-tu ?
Ce jour est-il déjà mort
qu’une voix seule suffit pour te saluer ?
Nom de Dieu la voix !
Que voudrais-tu ajouter à ce vacarme ?
A ce drame si mal joué
qu’il fait tomber un à un
les masques d’acteurs
rongés par la suffisance de leur verbe ?
Nom de Dieu la voix !
Quelle autre injure jeter à ta face ?
De quel ciel cette pluie
qui vient innocemment laver
la première marche de pierre
du jardin oublié des bons gisants ?
Nom de Dieu la voix !
Quelle tâche est donc la tienne ?
Quel verbe doit être désormais le nôtre ?
Alors que tout objet rituel a failli,
alors qu’aujourd’hui tout est rendu
à cette rumeur première,
à ce désordre sans raison.
Nom de Dieu la voix !
En quel chantier,
sur quelle terre boueuse
s’abrasent les semelles de nos chaussures
et le cuir de nos gants ?

Nom de Dieu la voix !
Quelle masse assez lourde
cogne aussi durement sur la tige de fer
qui fait éclater le cœur de la pierre ! Sur quel chantier offrons-nous notre sueur ?
Quelle écriture se fige glacée,
roide,
noire mendiante,
au bord d’une blessure,
voix ouverte de la terre,
tranchée ou mille soleils basculent.
Nom de Dieu la voix !
Sur cette seule route
éclairée par notre commune destinée
où sifflent anonymes
des jets de pierres flamboyants.
Sur cette seule route
où l’angoisse, la peur, le moindre trouble,
dessinent dans le magma de la colère
des figures de dieux gourmands d’apocalypses.
Nom de Dieu la voix !
Quel noir complot circule
entre glyphes et parois de verre
où se perdent les origines du monde.
Nom de Dieu la voix !
Quels obscurs tréteaux ici sont dressés,
voici le festin où nous sommes tous invités
pour sacrifier l’esprit à la chair,
trancher avec de joyeux couteaux
notre part d’humanité !
Nom de Dieu la voix !
Se dire libre, délivré,
de tout élan, de toute colère,
libre de retourner cette terre
pour y planter ne serait-ce qu’un arbre.
Et c’est en ta compagnie la voix
que nos pieds foulent le grand charnier
d’une terre où survivront
nos cendres dispersées !
Nom de Dieu la voix !
Quel drame ici nous accueille et nous acclame !
Morts à nous-mêmes,
morts glorieux à ce monde,
notre folie est intacte
et toutes les eaux du ciel
ne pourraient étancher notre soif !
Nom de Dieu la voix !
Elle se meurt
et nous ne voulons l’entendre gémir.
Ce râle prolongé annonce le sillon accueillant
de cette veine secrète dans la terre entrouverte
qui accueillera notre corps trahi
par ses propres capitales.
Nom de Dieu la voix !
Que ces voix trompées retrouvent ici
leurs compagnons abandonnés
au seuil de tant de portes ouvertes !
Nom de Dieu la voix !
Ton intelligence est monstrueuse !
Nous te devinons aujourd’hui
nous découvrons ton œuvre !
De quel songe soudain devenu palpable sommes-nous nés aujourd’hui ?
Qui regardons-nous ?
Qui fabriquons-nous en notre silence simulé ?
De quel bourreau armons-nous le bras non faillible ?
Nom de Dieu la voix !
Quelle autre voix
que celle-ci peut se précipiter
hors de ce corps perdu
où le nerf ainsi tendu
vibre encore
d’une saine et si joyeuse révolte ?
Nom de Dieu la voix !
Au nom de quel Dieu,
au nom de quelle voix,
peux-tu encore,
là, devant nous,
brandir des morceaux dignes
d’une grande boucherie de ville,
morceaux d’anciennes bravoures
ridiculisées par cet esprit
qui en nous continuellement s’agite
comme pour éloigner les moineaux
de si piètres récoltes !
Nom de Dieu la voix !
Nous sommes véritablement nus,
de nos mains
pendent nos peaux mortes
et scintillent au soleil naissant
les lourds reliefs de médailles rouge sang.
Nom de Dieu la voix !
De quelle défaite es-tu ?
Sur quel coteau désormais paisible
peux-tu accueillir
cette lumière en pluie ?
Dernière preuve d’une vie encore rugissante
derrière la grille pâle
d’un ciel tout en blessures ?

Nom de Dieu la voix !
Quel Dieu immense trahir
pour que cesse de circuler
en les veines d’un corps maltraité
la joie toute bouillonnante de l’espérance
toujours massacrée et toujours renaissante !



DAVID TREVIZ
Ciel gris argent, herbe verte et pierres sombres

Il ne sait pas où c'est. Un endroit rocailleux, sans arbres. De l'herbe et des pierres. Un plateau, lavé par un ciel gris argent et séché par le vent. Des chemins goudronnés ornés d'ornières. Des maisons en pierres grises. C'est gris mais pas terne. Toujours le même endroit. Les gênes ont-ils de la mémoire ? Parce qu’il ne croit pas savoir où c'est… Tout ce qu’il sait, c'est que son âme est semblable à ce lieu. Là, en lui, un repère qui oriente tout ses actes. Un plateau sans arbres et du ciel gris argent.
Notre essence.

La souffrance saisissait le sein même de la terre. Cette terre carencée par l’appétit des hommes. Notre essence à nous ne devait rien au pétrole. Nous laissions le pétrole à la terre, conscients de ce qu’on la lui volerait malgré tout. Les hommes n’avaient pas besoin de nous pour perpétrer leur délit. C’était bien là notre seul réconfort. Notre souffrance fût d’empêcher ce vol. Notre grande puissance fût de savoir imaginer un après. Notre essence à nous ne devait rien au pétrole.
Nous étions poètes en CELA. Nous savions nous émerveiller de cette connaissance offerte. Nous ne pouvions qu’afficher cette joie comme notre plus grande richesse. Nous étions si heureux d’être riches en ce rien.


Cela sera inévitablement

Cela sera.
Inévitablement.
Parce que nul choix ne sera laissé à l’Esprit de survie de l’âme humaine.
Il y aura certes encore un matin.
Il y aura la vie, encore.
Inévitablement, la vie sera.
Cela sera, enfin, tout sera là.
Enfin, tout sera là !


Etoile.

Et c'est là, à ce point précis,
que tout recommence sans cesse.
A ce point où l'ancienne foi étouffée,
étouffante,
que l'on croyait éteinte
que l'on espérait éteinte,
se renouvelle soudain,
étoile neuve.

Au départ, un échange.
On cherche quelque chose.
On ne sait pas quoi.
On ne sait même pas
que l'on cherche bien souvent.
Et puis l'on trouve.

Quelque chose répond.
On ne connait pas la question.
On ignore même
qu'il s'agit d'une réponse.
Mais quelque chose répond.
Et alors...
Tout commence.
Là.
A ce point précis.

Parfois les réponses nous dépassent.
Alors on ne répond de rien.
On refuse de croire,
tant elles nous semblent éloignées
du sens que l'on souhaitait se donner.

Il faut alors apprendre
à aimer la réponse,
à aimer recevoir,
même ce que l'on n'espérait pas
recevoir.

On résiste et on s'use.
Et puis l'on oublie tout.
c'est là que l'on se souvient,
que l'on se souvient toujours
de ce que l'on cherchait vraiment
sans le savoir.

Regard bleu ou vert ou gris ?
Regard qui défie la lumière.
Mais pensée rayonnante.
Elle
est
là.
Est la seule à être... là.
A ce point précis,
d'où l'on vient peut-être
et où tout recommence.

Ce regard transperce.
Il aide à croire,
qu'un besoin est satisfait.
Un besoin dont on ignorait tout.
Un besoin que l'on avait oublié.
Une foi nouvelle s'installe.

Son image varie.
Mais c'est toujours la même lumière
qui rappelle l'univers,
qui rappelle
d'où l'on vient,
Rassurant Repère,
là,
orientant tous les actes,
sans que l'on sache jamais
quel dessein il sert.

On ne se souvient de rien.
On ne se souviendra jamais des doutes.
Les doutes sont des proies
que l'on doit chasser
dont on se nourrit
pour atteindre une vérité.
Engloutis les doutes,
dévorés,
Broyés par ce sens qui s'en nourrit.
Ce sens dont on ne se souvient jamais
mais qui s'impose toujours.
Et c'est pourquoi l'on croit
et l'on croira encore.

C'est là, à ce point précis,
que tout recommence sans cesse.
A ce point où l'ancienne foi étouffée,
étouffante,
que l'on croyait éteinte
que l'on espérait éteinte,
se renouvelle soudain,
étoile neuve.


Métamorphose.

Des héritiers mutants.
Déjà plus homo-sapiens.
Déjà autre chose.
Automatismes contemplant leur humanité.
Veines de fibres laissant circuler des informations à la vitesse de la lumière.
La dépassant par endroit.

Interconnectés quelque part.
Étrange noosphère. Ici.
d'où tout recommence.
Parodie du paradis.
Répétition générale
de ce moment éternel
où nous sommes tous esprits.

Toujours cependant ce même regard.
Tout a changé et cependant
le regard demeure l'ancien regard.
Et ce regard persistant
qui s'émerveille encore d'un possible espoir
qui s'attache encore au rêve d'aimer
Vestige d'humanité
qui fait frémir
laisse passer quelques larmes.

Hésitations, interrogations,
Et puis acceptation.
Nous tombons d'accord.
Les sentiments existent encore
puisque nous tombons d'accord.
Héritage d'ancien amour.
Vestiges d'illusions.
Désormais Accord.

Pourquoi avoir pu croire d'avantage ?
Mauvais programmes des homo-sapiens.
Nous recevons par paquets de codes
la mémoire de ce que nous étions.
Nous n'aimions pas
ce que nous étions.
Ce que nous étions faisait Mal.

Éleveurs d'âmes nouvelles.
Nous cultivons l'esprit mutant
de l'humanité qui vient
avec le souvenir des humains que nous étions.
Sans nostalgie.
Mais ce regard persistant
qui s'émerveille encore d'un possible espoir
qui s'attache encore au rêve d'aimer
Vestige d'humanité
qui fait frémir
laisse passer quelques larmes.

Éleveurs d'âmes nouvelles.
Nous mêlons le secret de nos cœurs anciens
aux promesses d'un éden renouvelé.
Promesses faites à Orphée
imposant la confiance
comme l'ancien état des hommes
imposait sa loi.
Il faut accepter sans douter
ou tout serait retiré.
Nous devons tomber d'accord
Comme jadis nous tombions amoureux.
Le résultat est le même.
Impossible à calculer.

Alors ce regard persistant
qui s'émerveille encore d'un possible espoir
qui s'attache encore au rêve d'aimer
Vestige d'humanité
qui fait frémir
laisse passer quelques larmes.
Et nous sommes sauf.



ALBERT GUIGNARD

GRANIT 333
A David Martin Tréviz

Pour être invendable,
j’accepte ta marque du Diable
en Cyber Odyssée.
Internet, décomposition d’âmes mortes en milliards de pixels,
ta toile d’araignée est plutôt bien imitée.
Tiens, lequel de nous deux
traîne l’autre comme un fil à la patte ?
Incapable du moindre buzz, Orphée
veille en insecte fossilisé dans son piège d’ambre.
Quelques traces éparses de lucidité
oriente-t-elle la relève ?

La bataille d’Hernani
n’est pas finie !

En attendant une vérité indéchiffrable,
la révélation se poursuit.
Sous quel secret algorithme ? Je l’ignore.

Internet ! Je trouverais inespéré
quand tu seras cantique
que tes jours de dragon soient comptés.


LE CHARNIER
DES POETES

Les herbes viennent, mon fils, prépare ton squelette.
Federico Garcia Lorca


1) UN TEMOIN

J’ai attendu pour sortir du bois
que les chasseurs s’éloignent ;
Et parmi eux sa propre fille.
Au bar du village, une fois,
j’avais entendu la gamine leur dire :
« Des ours comme mon père, pour les arrêter
c’est dix balles dans le corps…
et assurez-vous après qu’il ne bouge pas encore… »

J’en avais compté quatre ;
avec le coup de grâce.


2) AMES UNIES

« Arrivés nus
meurtris nous repartons
pâte nue offerte
aux vers mous et lents
du dessous. »

Jim Morrison.
Extrait de son poème
«Paris-journal » 

Bien vu !
La poésie est un charnier
encore plein de vers.


René Daumal / Roger Gilbert-Lecomte

La mort, ils jouèrent à en faire
toute une montagne,
Analogue.


Hölderlin

Enterré vivant,
en donnant une main tremblante
à la première pelletée de terre.

En langue allemande, Birkenau
désigne un lieu où poussent les bouleaux.
Ian Curtis

Un monde entier disparu
quand l’amour lui rendit la vie
impossible.


Novalis

En unique fragment :
« Meurtre de soi » oblige
pour toute noblesse.


Miklos Radnoti

En dehors de la poésie,
il n’existe pas d’espace possible
pour déblayer de si profonds
horizons.

*
**
Ils étaient quatre amis
emmurés dans Budapest
entre Bouddha et la peste.
*
**
Carrure de bûcheron ;
mais sur papier, les mots d’Henson
restituent un arbre.


3) LES POETES MAUDITS

Parce que le fil qui dépasse de leur imaginaire
débobine l’univers,
ils préféreront donner
leurs os aux chiens
que leur nom à une rue ;
pour n’y avoir pas pignon,
pour n’être pas rouage
mais le grain de sable
d’une bénédiction.



4) ROULETTE RUSSE
A Jean-Michel Platier


Un loup sur son séant,
à la Maïakovski,
il blogue à bout portant :
calibre Poésie.

Une rose épanouie à la tempe.
Et partout, les morts enterrent leurs morts ;
des cadavres sur pieds pour fossoyeurs
au-dessus desquels la Lune
fait moins pâle figure.


5) CARRE DES INDIGENTS

Une large allée cavalière
sous la voûte des branches.
A travers les vitraux du feuillage,
le soleil ruisselle
jusqu’au socle calcaire
des grands arbres.
Cathédrale naturelle.

Un souffle symphonique
en sensation de bienvenue
à l’égard d’un invité que l’on n’attendait plus.
Ce cantique du quantique
me dépose au milieu d’une plaine immense
d’où émerge de l’herbe un bloc blanc rectangulaire.

A mesure que je m’en approche,
cela me semble tantôt une porte,
tantôt une pierre tombale.

Il s’agit d’un livre.
Dans un silence consenti,
je l’ouvre au hasard
et lis :
Soyez passant.



Aurorefloreale
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Messages : 5964


Posté à 19h33 le 26 Jan 18

Incroyable travail transcrit ici , merci de ce cadeau !
J'ai été subjuguée par " poètes sauvages " , si libre ce poète là , j'admire combien!!!


Ancienmembre
Membre
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Posté à 22h44 le 01 May 18

ça lolje pique!


Ancienmembre
Membre
Messages : 395


Posté à 23h59 le 01 May 18

j'ai tout bu, pardon lu!
waouuuuu!!!
je comprends mon attirance!
Mdr


Salus
Membre
Messages : 6900


Posté à 18h08 le 02 May 18


Et donc ?


Ancienmembre
Membre
Messages : 395


Posté à 18h51 le 02 May 18

La vie jaillit…


Au cœur de lagons délicats, naissent de minuscules particules qui modèlent de leurs écrins vivants, des alcôves ailées*.

Fragiles, faisant corps avec leurs écueils, elles élaborent de leurs sèves des orients* qui donnent leurs unicités.

A l’orée de leurs ressources, quelquefois en péril par leurs propres souffles, elles laissent choir de leurs antres, des nacres rondes.

De fines perles étincelantes à la lumière d’insoupçonnables émois, des joyaux prestigieux reflétant l’irisé de richesses intérieures.

Chu..ut !…
Observez la magie…
La vie jaillit…


lundi 7 novembre 2005

*
Alcôves ailées : référence aux coquilles des huîtres perlières « Pteria penguin »
Orient : jeu de lumière sur une perle, qui peut varier en fonction de la manière dont les couches d’aragonite se sont déposées autour du noyau.



Sylvie BG


Salus
Membre
Messages : 6900


Posté à 20h18 le 02 May 18


Poètes sauvages
Tout or et tous âges
Rages et fureurs
Sourires des fleurs

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